Lorsque, en phase d’expansion de l’activité, l’inflation est tirée par la demande, on parle de bonne inflation. Mais il existe aussi une mauvaise inflation. Dans ce cas, la hausse des prix ne découle pas, par exemple, de l’augmentation des salaires consécutive à un marché du travail tendu. La mauvaise inflation est davantage le résultat de chocs d’offre. C’est, dans une certaine mesure, le cas actuellement dans la zone euro et dans d’autres économies du fait de la flambée récente des prix du pétrole et du gaz. La mauvaise inflation pèse sur le revenu disponible réel et, donc, sur les dépenses des ménages. L’impact devrait être plus important encore pour les plus bas revenus. En effet, ces ménages consacrent une part plus importante de leurs dépenses au chauffage et aux carburants. Ils affichent également un taux d’épargne plus faible.
L’inflation tend à évoluer de façon procyclique. Une remontée de l’inflation en phase de reprise de la croissance est une bonne nouvelle, du moins dans un premier temps. Elle montre que les mesures d’incitation — monétaires et/ou budgétaires — visant à relancer l’activité et la demande ont porté leurs fruits, que la réapparition des goulets d’étranglement sur le marché du travail crée des pressions à la hausse sur les salaires, que les entreprises, face à une demande vigoureuse, répercutent ces hausses de salaires sur leurs prix de vente, etc. Lorsque l’accélération des prix est tirée par la demande, l’inflation est donc une bonne chose.
Mais il existe aussi une mauvaise inflation. La hausse des prix ne découle alors pas de l’augmentation des salaires due aux tensions sur le marché du travail ni d’un relèvement des prix par les entreprises, face à la robustesse de la demande. La mauvaise inflation est davantage le résultat de chocs d’offre. C’est, dans une certaine mesure, ce à quoi on assiste dans la zone euro et dans d’autres économies du fait de la flambée récente des prix du pétrole et du gaz, avec ses effets d’entraînement sur les prix de l’électricité. Même si cette situation est en partie due à une forte demande, les facteurs liés à l’offre jouent également un rôle et conduisent à une augmentation considérable des prix1.
La mauvaise inflation pèse sur le revenu disponible réel des ménages — la hausse des prix n’ayant pas été précédée par une remontée des salaires — ainsi que sur les bénéfices des entreprises. Cela peut entraîner un ralentissement de la demande et déclencher une relation contracyclique entre l’inflation et la croissance. Elle est susceptible d’engendrer, in fine, une stagflation, situation dans laquelle la croissance est très faible et l’inflation trop élevée. Au vu du nombre d’occurrences de ce terme sur le site Bloomberg, les inquiétudes autour de la stagflation progressent depuis plusieurs années. Néanmoins, en dehors de pics de courte durée, elles sont restées faibles. Depuis peu, cependant, le nombre d’occurrences explose (graphique), traduisant la crainte que de fortes pressions sur les prix des intrants ne mettent à mal les perspectives de croissance. À cet égard, l’aggravation de l’incertitude peut jouer un rôle, en raison, par exemple, du manque de visibilité sur les perspectives de la politique monétaire.
Une mauvaise inflation place les banques centrales face à un dilemme. Ne rien faire au risque provoquer trop d’inflation ou resserrer leur politique ce qui pourrait freiner la croissance Si la remontée de l’inflation est temporaire, une absence de réaction de leur part peut se justifier. Telle est la ligne adoptée par la BCE, comme l’a expliqué Christine Lagarde : « Notre nouvelle forward guidance sur les taux d’intérêt est bien adaptée à une gestion des risques liés à l’offre. Conformément à cette indication prospective, nous ne réagirons à une amélioration de l’inflation globale que si nous sommes confiants dans le fait qu’elle est durable et reflétée dans la dynamique de l’inflation sous-jacente »2.
Autre source d’incertitude découlant de l’envolée des prix du pétrole et du gaz : les répercussions sur les autres secteurs3. Dans quelle mesure cela va-t-il peser sur l’investissement et les décisions de recrutement des entreprises?? Cette flambée des prix de l’énergie a aussi une influence directe et potentiellement plus importante sur les dépenses des ménages, avec un impact différent selon le niveau de revenu. En France, en 2017, 6% des dépenses des ménages des deux déciles de revenus les plus modestes ont été consacrées au chauffage et 4% aux carburants. La moyenne pour les 20% les plus aisés était respectivement de 4,2% et 3,5%4. Comme le taux d’épargne des ménages à bas revenu est nettement inférieur à celui du reste de la population, une forte augmentation des prix de l’énergie aura très probablement pour effet d’évincer les autres types de dépenses et de freiner la croissance du PIB.