Eco Perspectives

De nombreux défis à relever

22/01/2020
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Ralentissement des exportations, croissance modérée

Depuis début 2018, l’Italie connaît un cycle d’activité réduite. Au T3 2019, le PIB réel n’a augmenté que de 0,1 % en glissement trimestriel pour le quatrième trimestre consécutif, malgré une contribution positive des stocks de 0,3 %, avec un taux de croissance annuel légèrement supérieur à zéro.

Au T3, les exportations nettes ont soustrait 0,4 % de la croissance globale du PIB, les importations ayant augmenté de 1,3 % en glissement trimestriel, tandis que les exportations ont diminué de 0,1 %. Concernant la balance commerciale, les exportations ont considérablement marqué le pas, reflétant un environnement international toujours fragile. Freinées par le ralentissement de la zone euro, les ventes à l’étranger ont augmenté de 2,7 % en base annuelle au cours des dix premiers mois de 2019, contre +3,6 % en 2018 et +7,6 % en 2017 ; les exportations vers l’Allemagne, qui représentent environ 13 % du total, sont inchangées et sont pénalisées par la contraction marquée du secteur manufacturier dans ce pays. Les ventes de produits sidérurgiques ont ainsi baissé de plus de 3 %. À l’inverse, le risque croissant d’un Brexit sans accord a soutenu les exportations vers le Royaume-Uni, tandis que celles vers les États-Unis ont bénéficié du renforcement de l’activité industrielle dans ce pays. Les ventes de machines sont par conséquent en hausse de 9 %.

Consommation forte, investissements faibles

Croissance et inflation
Italie : valeur ajoutée du secteur manufacturier

Au T3, la demande intérieure a ajouté 0,2 % à la croissance trimestrielle du PIB, la forte dynamique des dépenses privées ayant plus que compensé la nouvelle contraction des investissements. De juillet à septembre, la consommation a augmenté de 0,4 % en glissement trimestriel, la propension à épargner demeurant stable aux alentours de 9 %. Le revenu disponible nominal des ménages a poursuivi sa hausse, bénéficiant à la fois de l’introduction du « revenu de citoyenneté » en début d’année et de la poursuite de l’amélioration modérée du marché du travail. Par ailleurs, le nombre de personnes employées a dépassé les 25,5 millions, soit le niveau le plus élevé des vingt dernières années, et celui des heures travaillées s’est en partie redressé, bien qu’il soit resté bien en deçà du niveau d’avant la crise. Par ailleurs, la faible dynamique des prix, avec une inflation annuelle inférieure à 0,5 %, a encore soutenu l’évolution du pouvoir d’achat des ménages italiens.

Après avoir augmenté au premier semestre 2019, bénéficiant également du renouvellement des incitations fiscales, les investissements ont baissé de 0,2 % au T3. Ils se sont tout particulièrement contractés dans les moyens de transport et sont restés pratiquement inchangés dans la construction. Les investissements ont continué de souffrir de l’évolution difficile de la rentabilité des entreprises italiennes, qui sont restées extrêmement prudentes dans leurs choix de dépenses. La propension à investir, mesurée par le rapport entre l’investissement et la valeur ajoutée, reste inférieure d’environ 2,5 points au niveau d’avant-crise, avec USD 20 mds de dépenses en capital annuelles en moins. En raison de l’incertitude persistante entourant le scénario économique et politique, les entreprises ont accru leurs réserves de liquidités : la valeur de leurs dépôts bancaires dépasse désormais USD 370 mds.

Le secteur manufacturier plombe la croissance économique

L’évolution décevante de l’économie italienne reflète la croissance légèrement positive de la valeur ajoutée dans les services, la reprise modeste de la construction et la contraction persistante du secteur industriel. Au T3, la valeur ajoutée du secteur manufacturier recule de 0,2 %, après -0,3 % au trimestre précédent, avec un taux de croissance annuel en territoire négatif (-0,6 %), contre +5 % fin 2017. Entre le T1 2018 et le T3 2019, la production manufacturière a diminué de plus de 3 %, en partie à cause du ralentissement de l’industrie allemande. Une forte contraction a été enregistrée dans les secteurs de l’automobile (-23 %), des produits sidérurgiques (-7 %) et du textile, de l’habillement et de la maroquinerie (-6,9 %).

Vieillissement de la population : de nouveaux défis

Au cours des derniers mois, le débat sur la soutenabilité de la dette publique en Italie est venu s’ajouter au défi du vieillissement de la population et à la difficulté de maintenir des prestations vieillesse satisfaisantes tout en limitant la pression fiscale sur les actifs. Cette inquiétude est d’autant plus justifiée en Italie où la charge des dépenses publiques de retraite est, en pourcentage du PIB, le double de la moyenne de l’OCDE (16,2 % contre 8 %).

Selon les données les plus récentes de l’OCDE, en Italie, le ratio personnes âgées sur personnes en âge de travailler s’élève à 40 (soit 40 personnes âgées de 65 ans pour 100 personnes âgées de 20 à 64 ans), chiffre qui place l’Italie juste derrière le Japon (52). D’ici à 2050, ce ratio devrait atteindre 75,5 en Italie, contre 56 en France, 60 en Allemagne et 77,7 en Espagne.

L’évolution de ce rapport dépend, entre autres choses, de la dynamique du taux de fécondité. En Italie, ce dernier est en baisse depuis plusieurs années. Selon l’Istat, 439 747 naissances ont été enregistrées en 2018, soit environ 18 000 de moins qu’en 2017
(-4 %) et 140 000 de moins qu’en 2008 (-24 %). Cette est imputable à 67 % à la baisse du nombre de femmes fertiles (celles âgées de 15 à 49 ans), qui sont aujourd’hui un million de moins qu’en 2008, et à 33 % à une baisse du taux de fécondité, passé de 1,45 enfant par femme en 2008 à 1,29 en 2018. La contribution des femmes migrantes à la fécondité totale est également en baisse.

Le recul de la fécondité s’accompagne d’une baisse de la mortalité, qui a conduit à une augmentation significative de l’espérance de vie dans le pays : de 66,5 ans en 1950-55, elle est passée à 83,3 ans en 2015-20, l’une des plus élevées dans le monde. L’espérance de vie à 65 ans (20,9 ans) dépasse également la moyenne de l’OCDE (19,7).

L’augmentation de l’espérance de vie a entraîné une hausse significative de la proportion de personnes âgées : les plus de 65 ans, qui représentaient 8,1 % de la population italienne totale en 1950, en représentaient jusqu’à 22,8 % en 2019. Sur la même période, le poids de la classe des 0-14 ans a pratiquement diminué de moitié, passant de 26,7 % à 13,2 %. Parmi les personnes âgées, 14 456 sont au moins centenaires : l’Italie partage ce record en Europe avec la France. Entre 2009 et 2019, leur nombre a ainsi augmenté de plus de 30 %.

L’âge de départ à la retraite en Italie (71 ans) est l’un des plus élevés des pays de l’OCDE, avec le Danemark (74 ans), l’Estonie et les Pays-Bas (71 ans). Comme de nombreux autres pays (les Pays-Bas et l’Espagne notamment), l’Italie a récemment introduit des mesures (comme le décret dit « Quota 100 » en 2019) qui reviennent sur les politiques antérieures mises en œuvre pour augmenter l’âge de départ à la retraite. Le décret « Quota 100 » est une mesure temporaire applicable jusqu’à fin 2021. Il permet de partir à la retraite à 62 ans à condition d’avoir cotisé pendant 38 ans (au lieu de 67 ans obligatoires en 2018, avec un record de cotisations de 42,8 ans pour les hommes et 41,9 ans pour les femmes). La mesure comporte un plafond de revenus provenant du travail visant à limiter l’incitation au travail. Selon l’INPS (Institut national de sécurité sociale), en novembre 2019, 205 208 employés ont demandé à bénéficier du décret « Quota 100 », principalement dans les régions du sud. Parmi les demandeurs, environ 74% sont des hommes, 40% ont moins de 63 ans et 18% ont plus de 65 ans. Selon certaines analyses préliminaires, la plupart des demandeurs résident dans des provinces où le taux de chômage est particulièrement élevé et la valeur ajoutée par habitant inférieure à la moyenne.

Au-delà du fardeau qu’il représente pour les dépenses publiques, le système de retraite italien comporte d’importantes faiblesses qui mériteraient d’être corrigées : tout d’abord, l’impact des interruptions de carrière sur les prestations de retraite finales. La relation étroite entre les cotisations et les prestations individuelles dans le régime notionnel à cotisations définies de l’Italie rend particulièrement douloureuse toute interruption de carrière : selon les estimations de l’OCDE, une interruption de 5 ans entraîne pour un travailleur moyen une baisse de 10 % de sa pension en Italie, contre environ 6 % en moyenne dans l’OCDE. Le problème est aggravé par la multiplication des emplois temporaires ces dernières années. Selon l’Istat, la part des intérimaires dans l’emploi total est progressivement passée de 13,5 % au T2 2008 à 16,9 % au T2 2019. Le temps partiel involontaire est également en hausse, tandis que le nombre de travailleurs indépendants, bien qu’en légère baisse par rapport à 2008, reste nettement supérieur à la moyenne de l’OCDE (20 % contre environ 15 %). Cette différence a son importance, car les travailleurs indépendants paient des taux de cotisation inférieurs et reçoivent, en moyenne, une pension inférieure à celle des salariés retraités. Cet écart atteint le maximum en Italie (30 %), avec l’Allemagne et la France.

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