La croissance économique s’est établie à 6,1% en 2019 contre 6,6% en 2018. Ce ralentissement marqué a été causé à la fois par le recul des exportations et l’affaiblissement de la demande intérieure (graphiques 1 et 2). Même si les indicateurs d’activité les plus récents et la signature d’un accord commercial préliminaire par les Etats-Unis et la Chine laissent place à un peu d’optimisme en ce début d’année, la croissance devrait continuer de ralentir en 2020.
Si la politique économique a pris un tour de plus en plus accommodant depuis deux ans, les autorités sont toutefois restées prudentes. Leur marge de manœuvre est en effet fortement restreinte par l’excès de dette de l’économie et par la nécessité de poursuivre les efforts d’assainissement du système financier, des entreprises publiques et du marché immobilier. En réponse à la dégradation des perspectives de croissance et aux difficultés grandissantes pour mener une politique de relance par le crédit, les autorités ont eu recours à des mesures fiscales de soutien aux entreprises et aux ménages. Les tensions avec les Etats-Unis et les difficultés du rééquilibrage des sources de la croissance pourraient-elles aussi pousser les autorités à donner un nouvel élan aux réformes structurelles ?
2019 : choc externe et difficile adaptation du modèle de croissance
Les exportations chinoises ont été durement affectées par les hausses des droits de douane américains et la baisse de la demande mondiale en 2019. Les exportations de marchandises en direction des Etats-Unis ont chuté de 12,9% (en valeur en dollars) par rapport à 2018 et le total des exportations est resté quasi inchangé (-0,1%). Bien que la contribution du commerce extérieur à la croissance du PIB ait été positive sur l’ensemble de 2019, les difficultés du secteur exportateur ont eu des effets importants sur le reste de l’économie. Le ralentissement de l’investissement dans le secteur manufacturier (il n’a progressé que de 3,1% en valeur) s’est aggravé en 2019 du fait de la détérioration des perspectives de ventes et des profits des entreprises, et la consommation privée a pâti des conséquences du ralentissement industriel sur le marché du travail et sur la confiance. La hausse du revenu réel moyen des ménages a fléchi (+5,8% en 2019 contre 6,5% en 2018), d’autant plus que l’inflation des prix à la consommation a accéléré (pour atteindre 4,3% en g.a. au T4 2019). Ces tensions inflationnistes ont principalement résulté de la flambée des prix du porc, qui ont doublé entre le T4 2018 et le T4 2019 et fait bondir l’inflation des prix alimentaires (+17,3% sur la même période). L’inflation sous-jacente a en revanche progressivement diminué de 1,8% en g.a. au T4 2018 à seulement 1,4% au T4 2019, signe de l’atonie de la demande intérieure. Par ailleurs, les ménages ont aussi subi le resserrement de leurs conditions de crédit, alors que le service de la dette pèse de plus en plus lourdement dans leur budget (conséquence de la forte hausse de leur dette, passée de 28% du PIB fin 2011 à 55% fin 2019).
L’accumulation de ces facteurs baissiers explique que la progression des dépenses des ménages se soit peu renforcée au cours des derniers mois en dépit des mesures d’allégement fiscal. Ainsi, les taux de croissance des volumes de ventes au détail et du commerce électronique de biens et services se sont tout juste stabilisés en novembre-décembre (à 4,9% en g.a. et 12% respectivement). Les ventes automobiles (qui représentent environ 10% du montant total des ventes au détail) ont continué de baisser, mais dans une proportion moindre qu’en début d’année (-2,5% en g.a. au T4 2019, contre -12,5% au premier semestre).
Trêve dans le conflit commercial
La performance de l’économie chinoise semble toutefois connaître une légère amélioration depuis quelques semaines. La hausse de la production industrielle s’est redressée à 6,2% en g.a. en novembre 2019 et à 6,9% en décembre, contre 4,9% sur la période juillet-octobre. Cette timide reprise accompagne celle des exportations, qui ont rebondi de 7,4% en g.a. en décembre après plusieurs mois de baisse et devraient rester un peu plus dynamiques à court terme. La récente hausse du PMI manufacturier publié par le NBS (passé de 49,3 en octobre à 50,2 en novembre et décembre) est ainsi largement tirée par le rebond de la sous-composante « commandes à l’exportation » (passée de 47 en octobre à 50,3 en décembre).
La trêve dans le conflit entre les Etats-Unis et la Chine depuis l’annonce en décembre dernier d’un premier accord commercial (signé le 15 janvier) explique en partie la meilleure performance industrielle ainsi que le regain de confiance des entreprises et des marchés. Les problèmes de fond à l’origine des dissensions entre Pékin et Washington demeurent, et les prochaines négociations resteront très compliquées. Néanmoins, l’accord de « phase 1 » du 15 janvier réduit considérablement le risque de nouvelles hausses tarifaires américaines en 2020. L’accord prévoit que la Chine augmente ses importations de biens et services américains de USD 200 mds sur les deux prochaines années par rapport aux USD186 mds achetés en 2017 (dont USD 78 mds dans le secteur manufacturier, USD 52 mds dans l’énergie, USD 32 mds dans le secteur agricole et USD 38 mds dans les services). La Chine semble également s’engager à faire quelques concessions en matière de propriété intellectuelle et d’accès à son marché intérieur par les entreprises étrangères (assouplissement des règles de transferts de technologie et ouverture du secteur financier, par exemple). En échange, les Etats-Unis renoncent simplement à introduire de nouveaux droits de douane et réduisent de moitié la dernière hausse, en vigueur depuis septembre 2019 (de 15% à 7,5% sur environ USD 120 mds d’importations). Les autres barrières tarifaires introduites depuis deux ans sont maintenues. Ainsi, le droit de douane moyen pondéré imposé par les Etats-Unis sur leurs importations de biens chinois ne diminuerait que légèrement de 21% fin 2019 à environ 19% (contre 3% avant le début du conflit commercial), et deux tiers de ces importations restent surtaxées.
Quel élan des réformes ?
Depuis 2018, les autorités ont assoupli leurs politiques monétaire et budgétaire afin de soutenir l’activité. Elles sont restées prudentes et ont, dans le même temps, poursuivi des efforts visant à renforcer la réglementation du secteur financier et à contenir la hausse de la dette des ménages et des entreprises les plus fragiles. L’an dernier, en raison du contexte international particulièrement défavorable, de la performance décevante de la demande intérieure et de la montée des difficultés financières des entreprises, le dilemme des autorités – soutien de la croissance contre désendettement et réforme – s’est accru[1]. Le recours aux mesures de soutien budgétaire a été étendu et l’assouplissement monétaire s’est poursuivi. La dernière mesure mise en œuvre (effective au 6 janvier 2020) a pour but de stimuler le crédit bancaire aux entreprises via une nouvelle baisse des coefficients de réserves obligatoires (de 50 points de base à 10% pour les petites et moyennes banques et à 12,5% pour les grandes banques). Davantage de mesures de relance pourraient de fait aider la croissance à court terme, mais également retarder le processus d’assainissement de l’économie et dégrader les perspectives de moyen terme, notamment à cause des risques d’instabilité financière et de la baisse de l’efficacité du crédit et de l’investissement. Ce danger est mis en évidence par la nouvelle détérioration de l’efficacité du crédit en 2019 après deux années d’amélioration (graphique 3). Au contraire, une accélération des réformes structurelles peut limiter ces risques.
Les dernières réformes annoncées visent à accélérer l’ouverture du secteur financier. Les investisseurs étrangers devraient, par exemple, bénéficier d’un plus large accès aux marchés d’actifs et pourront investir d’ici fin 2020 dans des sociétés de gestion de fonds ou de courtage sans limite à la détention du capital. Devant la nécessité d’avancer dans les négociations avec les Etats-Unis, mais aussi et surtout, étant donné ses difficultés grandissantes pour rééquilibrer les sources de la croissance, Pékin pourrait chercher à donner une nouvelle impulsion au processus de réformes structurelles en 2020. En particulier, la poursuite de la restructuration des entreprises publiques (désendettement, fin des garanties implicites de l’état) et de l’assainissement du système financier permettrait une meilleure allocation du capital et un renforcement des perspectives de croissance à moyen terme.