L’année 2020 sera-t-elle marquée par une accélération de l’activité en zone euro ? Des premiers signes plus favorables semblent émerger, sans toutefois apparaître nettement dans les données dures. En tout état de cause, la croissance de la zone euro devrait rester basse. Dans ce contexte, les pressions inflationnistes resteraient insatisfaisantes pour les banquiers centraux au regard de leur objectif. Au-delà de la question de l’objectif, de nouveaux chantiers arriveront sur la table du Conseil des gouverneurs de la BCE en 2020. Christine Lagarde a annoncé le lancement de la revue stratégique de l’institution de Francfort. Au programme : monnaies digitales, changements climatique et technologique, et inégalités.
Des indicateurs d’enquêtes qui cessent de se dégrader dans le secteur manufacturier, des évolutions récentes plutôt favorables dans les dossiers des négociations commerciales entre la Chine et les Etats-Unis et celui du Brexit, des conditions de financement qui resteront très accommodantes et un marché du travail qui faiblit mais reste relativement résistant, sont autant de paramètres qui, sans annoncer de rebond marqué, sous-tendent un début de stabilisation de la croissance.
Pas de rebond de la croissance
En zone euro, l’année 2019 a été marquée par un ralentissement économique sensible. Les difficultés du secteur manufacturier observées dès la deuxième moitié de 2018 ont persisté l’an dernier. La croissance s’est établie à un robuste 0,4% au T1 2019 avant de diminuer et de se stabiliser à +0,2% aux deux trimestres suivants. Sur l’ensemble de l’année, nous anticipons pour la zone euro une croissance moyenne de +1,1%, après +1,9% en 2018. Les indicateurs conjoncturels et avancés de l’activité font toutefois état d’une certaine stabilisation. L’indice des directeurs d’achats (PMI) du secteur manufacturier reste, certes, en territoire récessif (en dessous de 50), à 46,3 en décembre 2019, mais tend à ne plus se dégrader. Dans les services, le PMI est en hausse en décembre (à 52,8) et solidement installé en zone d’expansion (au-dessus de 50). La crainte d’une contagion des difficultés manufacturières au secteur des services ne s’est donc pas, pour l’heure, matérialisée. Ces prochains mois, l’horizon pourrait quelque peu s’éclaircir. En effet, la croissance réelle de l’agrégat monétaire étroit (M1), qui offre une information pertinente concernant un potentiel retournement économique[1], est bien orientée (cf. graphique 2). Au total, en 2020, la croissance en zone euro baisserait à +0,8% avant d’augmenter en 2021 pour converger vers son niveau potentiel (cf. graphique 3). Bien qu’en ralentissement, la consommation des ménages resterait relativement soutenue dans un contexte de salaires toujours allants. Du côté des entreprises, la bonne tenue de l’investissement se poursuivrait, porté notamment par des conditions de financement très favorables. Il est à souligner que la hausse récente des taux d’intérêt à long terme reflèterait un regain de confiance de la part des agents économiques, en particulier s’agissant de l’éloignement du risque de récession. Ce mouvement haussier devrait néanmoins rester limité face aux faibles pressions inflationnistes (1,0% en 2020 comme en 2021). Comme en 2019, la politique budgétaire en zone euro devrait être légèrement expansionniste au niveau agrégé en 2020, et donc n’apporter qu’une timide impulsion à la croissance[2].
Plusieurs risques entourent ce scénario et certains indicateurs seront à suivre avec attention en 2020. Tout d’abord et comme nous l’indiquons depuis plusieurs mois, la poursuite de la résilience du marché du travail face à une croissance plus faible sera déterminante. Malgré le choc négatif important que connaît le secteur depuis plusieurs trimestres, l’emploi industriel apparaît moins dynamique mais continue néanmoins de progresser en rythme annuel. Par ailleurs, les exportateurs de la zone euro devront opérer dans un environnement international encore fragile. La dynamique des échanges internationaux ne parvient pas encore à se redresser (le volume du commerce mondial a affiché en octobre une croissance négative pour le 5e mois consécutif). Du côté de l’activité économique en Chine, partenaire commercial important de la zone euro, celle-ci ne devrait commencer à ré-accélérer qu’à partir de la seconde moitié de l’année 2020. Enfin, un choc externe n’est pas à écarter. Une montée des tensions au Moyen-Orient pourrait par exemple faire monter les prix de l’énergie tandis que de nouvelles surtaxes douanières pénaliseraient la demande interne.
BCE : une nouvelle ère
À peine à la tête de l’institution monétaire, la nouvelle présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, a déjà inscrit sa marque. Son discours lors de la réunion du 12 décembre a par ailleurs confirmé nos précédentes anticipations : la politique monétaire de la BCE restera désormais probablement inchangée jusqu’à l’horizon de notre prévision.
Selon les dernières projections de l’institution, la croissance en zone euro demeurera faible à court terme, malgré des signes de stabilisation. À moyen terme, bien que les risques entourant la dynamique de croissance restent élevés, les équipes de la BCE soulignent que certains d’entre eux pourraient en partie se dissiper (notamment concernant les négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine). La légère accélération de l’activité et la dynamique toujours soutenue des salaires se répercuteraient en partie sur l’inflation, sa composante sous-jacente atteignant 1,6% en 2022 selon la BCE[3] (cf. graphique 4). Mme Lagarde a toutefois indiqué que ce rythme ne constituerait pas un « objectif atteint », renforçant l’hypothèse d’une absence de durcissement des conditions monétaires à un horizon relativement long.
En 2020, l’ouverture de la revue stratégique de la BCE, annoncée par sa Présidente, sera le sujet à suivre. Comme la Réserve fédérale aux États-Unis, la banque centrale de la zone euro lance donc une réflexion à propos des objectifs et des instruments de politique monétaire (dans un contexte de marges de manœuvre particulièrement réduites), mais pas uniquement. Les questions liées aux monnaies digitales, aux changements climatique et technologique et aux inégalités seront désormais pleinement sur la table du Conseil des gouverneurs. Cette revue, d’une durée d’un an, stratégique occupera largement les débats entre les observateurs. Elle pourrait également buter contre les dissensions apparues lors des derniers mois au sein de la BCE et avec lesquelles Mme Lagarde devra opérer. Les prochaines réunions de politique monétaire offriront évidemment des précisions relatives à ces nouveaux chantiers.