La crise financière de 2008 a marqué de son empreinte l’environnement macroéconomique, réglementaire et légal du Royaume-Uni. S’en est suivie une longue période de consolidation du secteur bancaire. Si les grandes banques britanniques sont parvenues à améliorer leurs performances au cours de la période récente, elles sont désormais exposées à de nouveaux défis, à commencer par l’incertitude entourant le Brexit. Cette incertitude ne devrait pas se dissiper immédiatement après le dénouement du Brexit, car il leur faudra encore s’adapter à la perte du passeport européen et éventuellement faire face à une contraction de la demande sur leur marché.
Plus de dix ans après la crise financière et à l’approche du Brexit, nous nous intéressons à la santé du secteur bancaire britannique, ou plus particulièrement à celle de ses cinq principaux acteurs - Barclays, HSBC, Lloyds, RBS et Standard Chartered - qui totalisaient encore 76% du montant total des actifs du secteur en 2018[1]. Hétérogènes du point de vue de la répartition de leurs activités par zone géographique et par pôle de métier, ces banques sont toutes implantées de longue date (depuis le XVIIIe ou le XIXe siècle) au Royaume-Uni.
Le secteur bancaire britannique a été durement frappé par la crise de 2008. Les pertes bancaires enregistrées au Royaume-Uni pour la seule période 2008-2012 se sont élevées à près de 10% du PIB, et l’Etat britannique a dû intervenir en recapitalisant la troisième et la quatrième banque en termes d’actifs. Les cinq grandes banques britanniques ont en outre continué d’enregistrer des pertes par la suite, de sorte que la phase de consolidation suivant la crise s’est prolongée jusqu’en 2015-2016. Depuis, le secteur bancaire britannique, appréhendé à travers ces cinq groupes bancaires, a vu ses résultats se redresser. Plus rentables au prix d’efforts de restructuration et de maîtrise des coûts, elles sont également plus solides.
Elles paraissent ainsi mieux à même désormais de faire face aux évolutions actuelles et futures à court et moyen terme. Sur le plan légal et réglementaire, il s’agit par exemple de la réforme Vickers, en vigueur depuis le 1er janvier 2019, ou encore de l’application de la Fundamental Review of the Trading Book (FRTB) à partir de 2022[2]. A plus court terme, il s’agit encore de se conformer à la directive européenne PSD2, plus ou moins complémentaire de l’open banking en place au Royaume-Uni depuis le 1er janvier 2018 (par décision de la Competition and Markets Authority d’août 2016), en vertu duquel les banques sont tenues de partager leurs données clients avec d’autres acteurs financiers afin de « favoriser l’innovation au service des consommateurs ».
Ces deux éléments s’inscrivent en cohérence avec la volonté des pouvoirs publics britanniques d’accroître la concurrence dans le secteur bancaire national, ce qui s’est matérialisé par l’apparition de nouvelles banques, souvent digitales, appelées « challengers » ou « néo-banques ». Enfin, les banques traditionnelles comme les banques challenger évoluent dans un environnement caractérisé par une politique monétaire accommodante et une source d’incertitude majeure entourant le Brexit, même si les institutions publiques de l’Union européenne (UE) et du Royaume-Uni se sont évertuées à minimiser les risques[3]. La Banque centrale d’Angleterre (Bank of England, BoE) estime que les banques challenger pourraient être plus affectées par un Brexit désordonné que les banques dites historiques. Les enjeux sont toutefois de taille pour les cinq banques de notre échantillon et se posent en des termes différents pour les grandes banques de détail, d’une part, dont les activités sont concentrées sur le Royaume-Uni, et pour les banques présentant des portefeuilles plus diversifiés, d’autre part, qui doivent repenser l’organisation de leurs activités dans l’UE.
Des produits nets bancaires en hausse depuis 2016
À l’issue de plusieurs années consécutives de baisse, le produit net bancaire (PNB) agrégé des cinq banques de notre échantillon est tombé à GBP 97,5 mds en 2016, son plus bas niveau depuis la crise financière[4]. Il est depuis lors reparti à la hausse pour atteindre GBP 106,4 mds en 2018 (cf. tableau A en annexe). Cette embellie a en outre été confirmée par les revenus enregistrés au titre du premier semestre 2019 (+3,1% en g.a.).
Nette progression des produits nets d’intérêt et d’autres produits d’exploitation depuis 2016
Le déclin du PNB depuis le début de la décennie jusqu’en 2016 a touché toutes ses composantes. Si depuis la dynamique s’est inversée pour les produits nets d’intérêt et les autres produits nets d’exploitation, ce n’est pas le cas pour les commissions nettes. Ainsi, au fur et à mesure des années, la structure du PNB s’est déformée en faveur des produits nets d’intérêt et au détriment des commissions nettes. Reflet des différences entre les modèles d’activité des cinq banques étudiées, ainsi que de l’environnement macroéconomique, cette évolution est presque exclusivement portée par Lloyds et RBS, tandis que Barclays et Standard Chartered enregistrent des mouvements opposés. Or ces dernières, ainsi que HSBC, présentent un business model plus diversifié, relevant de la banque universelle.
Les ventilations géographiques et par métier de leur PNB révèle en effet des profils similaires pour Lloyds et RBS, qui concentrent la quasi-totalité de leurs activités au Royaume-Uni et essentiellement dans la banque de détail (respectivement 60% et 63% de leur PNB en 2018, contre respectivement 25% et 37% pour les activités de marché). À l’inverse, HSBC et Standard Chartered sont davantage orientées vers l’Asie, avec respectivement 55% et 68% de leur PNB en 2018, et les métiers de la banque de financement et d’investissement (BFI), avec respectivement 54% et 56% du PNB en 2018. Enfin, Barclays présente un profil plus équilibré avec 55% de son PNB dédié à la banque de détail, d’une part, et 52% au marché britannique, d’autre part (contre 46% à la banque de marché et 36% au marché nord-américain en 2018).
Les revenus nets d’intérêt tirés par la banque de détail