L'indice mondial S&P des directeurs d'achat du secteur manufacturier du mois de mars indique une reprise du momentum économique dans la plupart des pays. Dans la zone euro, l’amélioration est forte, en particulier dans l’industrie manufacturière et, dans une moindre mesure, dans les services. La dynamique de l’emploi est toutefois faible. Aux États-Unis, l’amélioration récente de la confiance dans le secteur manufacturier est également significative quand on la replace dans son contexte historique. Au regard de ces éléments et d’autres données récentes, les responsables de la Fed ont insisté sur la nécessité d’être prudent dans la réduction des taux, d’autant plus que le rythme de désinflation a nettement ralenti. L’hypothèse d’un atterrissage en douceur des États-Unis est de plus en plus contestée et une autre alternative se pose : celle d’une absence d’« atterrissage ». Dans la zone euro, en revanche, avec la désinflation qui se poursuit, tous les éléments sont réunis pour un démarrage de la baisse du cycle des taux en juin. Elle se prépare également à une reprise de la croissance. Le scénario d’atterrissage en douceur dans la zone euro semble se confirmer.
Les enquêtes de conjoncture pour le mois de mars laissent présager une reprise généralisée du momentum économique.[1] [2] D'après l'indice mondial S&P des directeurs d'achat du secteur manufacturier, on assiste à une amélioration du sentiment dans la plupart des pays. Si la dynamique est négative au Mexique, aux Émirats arabes unis et en Arabie saoudite, le niveau de leurs PMI respectifs reste toutefois très supérieur à 50, ce qui correspond à une situation de croissance de l'activité. Seuls deux pays — le Japon et l'Égypte — affichent une confiance faible et un PMI inférieur à 50.
S'agissant de la zone euro, l’amélioration est soutenue, notamment pour le secteur manufacturier, dont le momentum se situe dans le 87e pourcentile de sa distribution historique, tandis que dans les services, il se trouve dans le 78e pourcentile.[3] L'amélioration est généralisée avec, dans le secteur manufacturier, des scores très élevés pour les nouvelles commandes et les quantités d'achats. Dans les services, les anticipations des entreprises et l'évaluation des nouvelles opportunités commerciales ont connu un fort rebond. En matière d'emploi, en revanche, le momentum est plus faible dans les services et encore davantage dans le secteur manufacturier. Cela est peut-être dû au fait qu’en raison de la rétention de main-d'œuvre, les effectifs des entreprises suffisent à répondre à l'augmentation attendue de la demande[4]. On devrait alors assister à une amélioration de la productivité, un bon point pour les entreprises qui subissent la pression liée à la progression des salaires.
En termes d'inflation, le momentum des coûts de production a augmenté dans le secteur manufacturier, ce qui est peut-être une conséquence des perturbations des chaînes d'approvisionnement liées aux attaques de navires en mer Rouge. S'agissant des prix à la production, la dynamique n’est que légèrement positive. C’est aussi le cas dans les services pour lesquels il importe de souligner le momentum négatif des coûts de production. De fait, de plus en plus d'entreprises signalent une détente sur les coûts de production. Toutefois, leur niveau demeure très élevé, ce qui montre que la plupart des entreprises demeurent confrontées à une hausse de ces coûts.
Ces statistiques confirment le tableau dressé par les enquêtes de la Commission européenne. En mars, le sentiment économique — indicateur composite des opinions observées dans l'industrie, les services, le commerce de détail, la construction ainsi que la confiance des ménages — a enregistré un rebond atteignant 96,3 contre 95,5 un mois plus tôt. À l'exception du secteur de la construction, l'ensemble de ces composantes ont connu une amélioration. Bien qu'elles se situent encore en deçà de leur moyenne à long terme de 100, une amélioration significative est notable depuis décembre 2023 par rapport aux valeurs observées entre juillet et novembre.
Aux États-Unis aussi, le rebond récent du sentiment dans l'industrie manufacturière est important par rapport à ses niveaux historiques. Le momentum de l’indice des directeurs d'achat du secteur manufacturier se situe dans le 90e pourcentile de la distribution. Si l'on exclut les délais de livraison, qui sont stables, l'ensemble des séries attestent d'une amélioration au cours des derniers mois. Les entreprises sont désormais beaucoup plus positives en ce qui concerne les nouvelles commandes. Contrairement à la situation observée en zone euro, les données publiées sont également positives du point de vue des enquêtes sur l'emploi. Les services affichent également un momentum positif, quoique moins prononcé, avec un PMI dans le 68e pourcentile.[5] Les enquêtes sur l'emploi restent stables. Les coûts de production et les prix à la production demeurent très au-dessus de 50 — les chiffres précédents étant proches de 60 — ce qui traduit les pressions qui s'exercent sur les prix. Toutefois, le momentum est légèrement négatif. On observe la situation inverse dans l'industrie manufacturière où un nombre croissant d'entreprises américaines font état d'une hausse des prix.
Les enquêtes de l’Institute for Supply Management (ISM) pour le mois de mars dépeignent un tableau analogue, avec un momentum soutenu pour l'industrie manufacturière — 82e pourcentile de la distribution historique — et un autre moins vigoureux pour l'industrie non manufacturière (71e pourcentile). L'estimation nowcast de la Banque de Réserve fédérale d'Atlanta résume très bien l'interprétation qui peut être faite d'un éventail plus large de statistiques. La croissance du PIB réel — progression en glissement trimestriel annualisée ajustée des variations saisonnières — est attendue à 2,5 % au premier trimestre 2024, ce qui constitue une performance remarquable compte tenu du niveau des taux d’intérêt. Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que les membres du conseil de la Fed et certains présidents des Réserves fédérales des États aient récemment appelé à la prudence avant de décider d'abaisser les taux.
Le rapport sur le marché du travail, très dynamique, publié en mars — 303?000 nouveaux emplois, dépassant largement les prévisions du consensus de Bloomberg de 212?000, baisse inattendue du taux de chômage (de 3,9 % à 3,8 %) — devrait alimenter les débats au sein du comité directeur de la Réserve fédérale. De fait, les trois baisses de taux attendues cette année ne peuvent plus être tenues pour acquises, d'autant plus qu'il ne fait pas de doute que le rythme de la désinflation a ralenti.[6] C'est la raison pour laquelle le scénario d'un atterrissage en douceur est de plus en plus mis en cause pour céder la place à un scénario alternatif «?d'absence d'atterrissage?».[7]