L’économie du Japon est, au sein de l’OCDE, l’une des plus exposées aux marchés émergents d’Asie. Déjà confrontée à de nombreux défis structurels, elle est en première ligne face au risque de ralentissement chinois.
Situation économique atone
L’année 2018 a vu l’activité économique sensiblement ralentir au Japon. La croissance s’est ainsi établie à seulement +0,8%, après +1,9% en 2017, et a affiché un profil heurté. Le pays a en particulier été touché par un typhon au T3 2018 qui a sensiblement pesé sur la demande interne, investissement en tête. Le rebond du quatrième trimestre a été moins fort qu’attendu, le commerce extérieur ayant, une nouvelle fois, freiné.
Au 1er trimestre 2019, les indicateurs conjoncturels continuent d’envoyer des signaux mitigés. L’enquête Tankan de la Banque du Japon auprès des entreprises, considérée comme un bon indicateur du climat des affaires, montre une stagnation dans le secteur non manufacturier tandis que la confiance se dégrade dans le secteur manufacturier, pouvant suggérer une baisse des commandes en provenance d’Asie et de Chine essentiellement. L’indice des directeurs d’achat (PMI), tombé de 52,6 en décembre 2018 à 49,2 en mars 2019 dans le secteur manufacturier, appuie ce constat. Bien que l’économie japonaise demeure relativement peu ouverte (les exportations en valeur représentent moins de 20% de la valeur ajoutée totale du pays), le poids du secteur manufacturier est élevé au regard de la moyenne des pays de l’OCDE, affichant même une légère tendance haussière depuis 2013[1]. La structure du tissu productif et des échanges extérieurs (plus de la moitié des exportations japonaises est à destination de l’Asie, et environ 20% vers la seule Chine) peuvent rendre l’économie vulnérable au retournement actuel de la conjoncture mondiale, et au faible dynamisme du commerce international.
Au total, la croissance au Japon fléchirait sensiblement et serait proche de zéro en 2019 et en 2020, à respectivement +0,2% et +0,3%. L’activité pâtirait notamment du retournement du cycle de l’investissement, les industriels restant attentistes face au ralentissement de la demande externe.
Le scénario de croissance est entouré d’aléas. Ainsi, dans le cas d’un ralentissement plus brutal de la demande en provenance de Chine, l’économie japonaise serait l’une des plus affectées, notamment à court terme[2].
L’efficacité de la politique monétaire en question
Le bilan de la Banque du Japon atteint aujourd’hui 100% du PIB du pays, en très nette hausse depuis 2013. Alors que le bilan de la Réserve fédérale diminue et que celui de la Banque centrale européenne stagne, celui de la Banque du Japon continue de progresser, à un rythme toutefois moindre depuis 2017. Dans le même temps la politique de taux négatif et la politique de Yield Curve Control, permettent de maintenir le niveau des taux autour de zéro le long d’un large spectre de maturités. Cette politique monétaire très expansionniste a pu avoir des effets bénéfiques sur la croissance, les coûts de financement et l’inflation. Toutefois, la dynamique des prix reste très contenue, atteignant seulement en glissement annuel +0,2% en février 2019 comme en janvier 2019. Sur l’ensemble de l’année, l’inflation resterait faible à +0,5% en moyenne annuelle, sous l’effet notamment du ralentissement de l’activité, et serait stable en 2020.
Plus globalement, la période prolongée de faible taux au Japon et les tendances démographiques du pays (vieillissement et baisse de la population en âge de travailler), qui réduiraient la demande crédit, posent des défis importants au système financier local. La marge nette d’intérêts des banques régionales est en baisse tendancielle depuis le milieu des années 2000. Ces dernières tendent, dans ce contexte, à prendre davantage de risques, en particulier dans leur politique d’octroi de crédit aux petites et moyennes entreprises (FMI, 2018)[3].
Limiter les effets du déclin démographique
La troisième flèche des Abenomics lancés en 2012 met l’accent sur les réformes dites « structurelles ». Encore parcellaire, ce programme recouvre plusieurs aspects de l’économie japonaise. Outre la volonté de renforcer l’innovation et l’ouverture commerciale, marquée par l’accord récemment signé avec l’Union européenne, les réformes visent à limiter l’impact négatif sur l’économie du déclin démographique et de la dualité sur le marché du travail entre les employés réguliers et les employés non réguliers.
Le Japon est aujourd’hui le pays le plus âgé du monde, la population de plus de 65 ans représentant plus du quart de la population totale (cf. graphique 4). Le vieillissement de la population couplé à la baisse de la part de la population en âge de travailler, pose un défi économique majeur. D’abord, il aurait un effet négatif sur la croissance potentielle, en réduisant le volume de travail disponible. Aussi, en termes de finances publiques, la baisse de la main-d’œuvre amenuiserait les recettes fiscales et conduirait à une hausse mécanique des dépenses publiques liées au vieillissement. Les efforts en termes d’inclusion des femmes sur le marché du travail constituent une des réponses. Le taux d’emploi des femmes a en effet affiché une augmentation importante depuis quelques années (70% en 2018 contre 60% environ en 2012) mais demeure toutefois sensiblement inférieur à celui des hommes, de l’ordre de 15 points.
Par ailleurs, la question de la structure du marché du travail, marquée par une dualité croissante et importante, se pose. La hausse importante de la part des travailleurs non réguliers a réduit la productivité du travail[4]. Ces contrats, moins protecteurs, sont relativement moins rémunérateurs que les contrats réguliers, tandis que les formations et les opportunités de carrières associées y sont également moindres. Alors que les travailleurs réguliers représentaient 70% de l’emploi total au début des années 2000, cette part s’établit aujourd’hui légèrement au-dessus de 60%.