La croissance au T4 2018 s’est mieux tenue qu’attendu, le PIB progressant de 0,3% t/t contre 0,2% prévu. Il s’agit d’un rythme de croissance décevant dans l’absolu, peu dynamique, mais il s’est maintenu par rapport au T3 et dépasse une nouvelle fois la moyenne de la zone euro (+0,2% t/t au T4 2018 après +0,1% au T3). En revanche, la décélération de l’activité sur un an est conséquente : fin 2018, la croissance ne s’élevait plus qu’à 1% en glissement annuel contre 2,8% fin 2017. En moyenne annuelle, la croissance s’est tassée à 1,6% après 2,3% en 2017.
Croissance en demi-teinte
Si le rythme est similaire, la composition de la croissance diffère. Elle laisse, dans les deux cas, une impression mitigée, celle d’une croissance entravée par une série d’à-coups et de chocs[1]. Au T3, la croissance a été soutenue par le rebond de la consommation des ménages, l’accélération de l’investissement des entreprises et la contribution positive du commerce extérieur mais elle a été tirée vers le bas par le recul de l’investissement des ménages, la stagnation de celui des administrations publiques et la contribution négative des variations de stocks. Au T4, cette dernière s’est nettement réduite (à -0,1 point après -0,5) mais la contribution positive de la demande intérieure finale s’est aussi effritée (+0,2 point après +0,5), la stagnation de la consommation des ménages et le contrecoup sur l’investissement des entreprises s’ajoutant à un nouveau recul de l’investissement des ménages. Le commerce extérieur a, de nouveau, contribué positivement à la croissance, à hauteur de 0,3 point comme au T3, mais sur la base d’une combinaison nettement plus dynamique des exportations et des importations (en hausse de 2,2% t/t et 1,3% t/t, respectivement, après +0,6% t/t et -0,2% t/t[2]).
Les perspectives de croissance au T1 2019 restent en demi-teinte. Le sentiment d’une conjoncture dégradée est surtout alimenté par les PMI dans le secteur manufacturier et les services. Ils sont brutalement retombés sous la barre des 50 points en décembre dernier, soit en zone de contraction, et oscillent depuis autour de 49. Ce signal négatif est toutefois contrebalancé par celui, plus positif, des enquêtes de l’INSEE (cf. graphique 2). L’indice synthétique du climat des affaires se situe, en effet, toujours au-dessus de sa moyenne 100 de référence et donc en zone d’expansion[3] (104 en mars). Il est, de plus, en hausse depuis le début de l’année, à hauteur de +1 point par mois. Le détail par secteur d’activité montre que cette amélioration est portée par le bâtiment et le commerce (détail et gros). Dans l’industrie manufacturière et les services, le climat des affaires est resté à peu près stable, ce qui est une bonne nouvelle pour l’industrie mais un motif d’inquiétude pour les services. Dans chacun des secteurs, l’indice du climat des affaires dépasse sa moyenne 100 de référence[4].
La confiance des ménages a plus nettement rebondi (+9 points entre janvier et mars), reprenant le terrain perdu en novembre et décembre (-8 points). A 96, l’indice qui la synthétise reste néanmoins assez nettement en-deçà de sa moyenne 100 de référence.
Entre le signal mitigé des enquêtes de confiance et celui plutôt positif des données d’activité sur janvier et février (production, consommation, exportations), le scénario le plus probable est celui d’une stabilisation de la croissance au T1, à 0,3% t/t. C’est aussi la prévision de la Banque de France tandis que l’INSEE table sur 0,4%. C’est aussi le résultat auquel parvient notre modèle nowcast sur la base des données d’activité tandis que l’estimation basée sur les données d’enquête s’établit à 0,2%.
Nous nous attendons ensuite à ce que la croissance se maintienne sur ce rythme de 0,3% t/t, un rythme peu élevé mais synonyme de résistance dont devrait faire preuve la croissance française face à la baisse de la croissance mondiale. Plus exactement, l’économie française n’échappera pas au ralentissement général, et européen en particulier, mais son tassement devrait être de moindre ampleur. D’après nos prévisions, la croissance française perdrait 0,4 point de pourcentage entre 2018 et 2019 (passant de 1,6% à 1,2%) quand celle de la zone euro en perdrait 0,9 (refluant de 1,8% à 0,9%). Ce faisant, la croissance française dépasserait celle de la zone euro pour la première fois depuis 2013.
Les facteurs de cette résistance sont au nombre de trois. Deux sont propres à la France et avérés même si l’on peut débattre de l’ampleur de leur effet amortisseur : l’impulsion de la politique économique et budgétaire et un degré d’ouverture peu élevé[5]. Le troisième est commun à la zone euro et ne peut être tenu pour acquis car il relève de la prévision mais nous jugeons peu élevé le degré d’incertitude sur ce point : la bonne tenue du marché du travail et son cortège de créations d’emplois, de baisse du chômage et d’accélération des salaires. Les conditions monétaires et financières restent, par ailleurs, favorables.
Au niveau des composantes de la croissance, et compte tenu des facteurs évoqués, sa résistance repose sur le réveil de la consommation des ménages, stimulé par les importants gains de pouvoir d’achat attendus en 2019. En 2020, nous ne prévoyons pas d’accélération supplémentaire de la consommation[6] et sans relais des autres moteurs, nous voyons la croissance stable, à 1,2%. Ce chiffre est légèrement inférieur aux prévisions du consensus et des organismes institutionnels (qui se situent entre 1,3% et 1,4%), les aléas entourant ce scénario étant importants et, surtout, baissiers (craintes de retournement du cycle, tensions commerciales, Brexit).
Inflation : la grande absente
Comme pour les objets perdus, on sait a priori où chercher l’inflation, sans être sûr de la trouver. Que l’on considère les prix en amont, la fermeture de l’écart de production, ou l’accélération des salaires, elle manque toujours à l’appel.
Plus précisément, une hausse de l’inflation sous-jacente a bien été observée (de 0,4% en 2017 en moyenne annuelle à 0,8% en 2018) mais sa faible ampleur interroge. En fait, cette hausse semble même n’avoir rien à voir avec l’amélioration de l’économie et être le fruit d’un seul effet de base statistique : en effet, après un saut de 0,5% en glissement annuel en décembre 2017 à 0,9% en janvier 2018, l’inflation sous-jacente s’est ensuite inscrite sur une tendance légèrement baissière. En mars 2019, elle est même retombée à 0,5%.
L’effet désinflationniste de l’appréciation de l’euro entre la mi-2017 et la mi-2018 peut être un facteur explicatif du redressement limité de l’inflation sous-jacente. Des facteurs sectoriels ont également pesé, comme la répercussion de la baisse des APL sur les loyers dans le parc social et un nouvel épisode de forte baisse des prix des services de communication alors que les effets de second tour de la forte hausse des prix du pétrole jusqu’en octobre 2018 (sur les tarifs aériens notamment) ne sont pas encore manifestes.
Plus fondamentalement, la faiblesse de l’inflation sous-jacente peut aussi être mise sur le compte d’un effort des entreprises sur leurs marges, soutenable jusqu’ici car la hausse du coût unitaire du travail est somme toute récente et modeste (cf. graphique 3). Mais si comme on l’anticipe, cette hausse s’accentuait à l’horizon de la prévision, augmentant la pression sur les marges, il devrait s’ensuivre une remontée plus nette de l’inflation sous-jacente.