Le léger rebond du T4 2024 a permis au PIB italien de croître de 0,5% en 2024. En 2025, la croissance atteindrait 0,8%, puis 1,3% en 2026. Elle resterait modérée tout au long du premier semestre, puis s'accélérerait en fin d'année, portée principalement par la consommation, elle-même soutenue par la progression du revenu disponible. L'incertitude liée au commerce international risque de limiter drastiquement la contribution des exportations à la croissance économique. En revanche, la tendance a été positive sur le marché du travail en 2024, avec +800 000 personnes en emploi entre le T4 2019 et le T4 2024.
Activité économique : la reprise de l'investissement a soutenu la croissance fin 2024
Croissance et inflationEn 2024, l'économie italienne a progressé de 0,5% en moyenne annuelle : les exportations nettes et la demande intérieure ont été les principaux moteurs de la croissance (contribution de +0,3pp et +0,4pp respectivement), tandis que les variations de stocks l’ont ralentie (-0,2pp).
Après avoir stagné au T3, l’activité a légèrement rebondi au T4 (+0,1% t/t) permettant au PIB réel de dépasser de 5,9% son niveau du T4 2019. Au cours du dernier trimestre de 2024, l’investissement a augmenté (+1,6% t/t) après trois baisses consécutives. Bien qu’elle se soit généralisée à tous les secteurs, cette reprise de l’investissement a principalement profité au secteur des machines-équipement, ainsi qu’à la construction.
La valeur ajoutée a augmenté au T4 2024 dans l'agriculture (+2,0% a/a), la construction (+0,7%) et les services (+0,9%), tandis qu'elle a diminué dans l'industrie (-1,5%). La faible performance du secteur manufacturier, observable en 2024 et 2025, a été principalement due aux difficultés des industries énergo-intensives (bois, papier, métaux et produits chimiques). De plus, le textile continue de faire face à plusieurs difficultés. Ainsi, en 2024, sa production était de 30% inférieure à celle enregistrée au T4 2019.
Durant les deux prochaines années, les retombées du rebond économique allemand et du programme ReArm Europe profiteront à la croissance italienne. Néanmoins, l'incertitude relative au commerce mondial devrait freiner le soutien des exportations à la croissance. En outre, la réduction du Superbonus (incitations fiscales à l’investissement dans la construction résidentielle) ne devrait être que partiellement compensée par des mesures mises en œuvre au titre des fonds Next Generation EU. Pour cette raison, l'investissement ne devrait contribuer que marginalement à la croissance économique de l’Italie. Par conséquent, le PIB réel devrait croître de 0,8% en 2025. En 2026, la croissance pourrait atteindre 1,3%, tirée notamment par la demande allemande.
Le commerce international est confronté à des risques baissiers avec l'escalade des tensions géopolitiques qui pourrait créer de nouveaux obstacles dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Les estimations préliminaires réduisent les projections de croissance italienne de 0,2 pp dans le cas où les menaces tarifaires américaines seraient pleinement appliquées. Les secteurs de l'alimentaire, de la pharmacie et de la chimie devraient être les plus affectés, tandis que la mode et l'ameublement pourraient subir une contraction plus modeste, du fait du niveau élevé de différenciation des produits, ce qui les rend moins facilement substituables à court terme.
Marché du travail : l'emploi continue d'afficher une tendance favorable
Tout au long de l’année 2024, la dynamique du marché du travail a été positive : le nombre de personnes en emploi a augmenté (+168 000 sur un an au T4). Ainsi, le taux d’emploi a atteint un niveau historiquement élevé (62,4%), mais toujours inférieur à la moyenne de l’Union européenne (70,9%). Néanmoins, le déclin démographique menace le marché du travail italien et complique le remplacement des actifs âgés par les plus jeunes. L’évolution du nombre de salariés comparativement à 2019 (+756 000 entre le T4 2019 et le T4 2024) est principalement attribuable à la cohorte des 55-64 ans, tandis que l’emploi de la cohorte des 35-54 ans diminue.
En Italie, l'emploi est structurellement soutenu par des coûts de main-d'œuvre maîtrisés. Ces dernières années, ils ont augmenté plus lentement que l'inflation, ce qui a fait de la main-d'œuvre un intrant moins coûteux que les autres facteurs de production. La plupart des entreprises ont donc cherché à préserver leur capital humain, même lorsqu’il s’agissait de retenir des travailleurs sous-utilisés (rétention de main-d'œuvre). Selon l’Istat, entre le T4 2019 et le T3 2024, les salaires bruts par unité de travail ont augmenté de moins de 10%, tandis que les prix à la consommation ont crû deux fois plus vite. La situation devrait évoluer à mesure que les entreprises adopteront les solutions d’intelligence artificielle (IA). Selon la Banque d'Italie, environ 15 millions de salariés sont modérément ou fortement exposés à l'IA ; les actifs complémentaires sont néanmoins plus nombreux que les travailleurs substituables (respectivement 9 millions contre 6 millions)
Inflation : la hausse du pouvoir d'achat des ménages soutient la consommation privée
Au T4 2024, l’amélioration des conditions économiques et financières et du pouvoir d’achat des ménages italiens a permis une hausse de la consommation privée (+0,1% t/t, après +0,4 % au T3). En 2024, les salaires horaires contractuels ont augmenté d'environ 3% a/a, dépassant l'inflation (1,1% en 2024). Début 2025, le taux d'inflation a augmenté (1,7% a/a) avec la hausse des prix des produits alimentaires et de l'énergie. Au cours des deux prochaines années, elle devrait rester inférieure à 2% (1,7% en 2025 et 2026).
Politique budgétaire : rétablissement des finances publiques
Malgré le ralentissement de la croissance en 2024, les finances publiques italiennes se sont rétablies, le ratio de déficit public sur PIB (passant de 7,2% en 2023 à 3,4%) comme le solde primaire (de -3,6% à +0,4%). De son côté, la pression fiscale (mesurée comme le rapport entre les recettes totales et le PIB nominal) reste élevée : elle est passée de 41,4% en 2023 à 42,6%. Dans l'ensemble, l'augmentation à venir des dépenses de défense pourrait peser sur les finances publiques (voir notre focus).
Commerce extérieur : l’un des pays de l'UE les plus exposés aux marchés extérieurs
Exportations de l’Italie vers l’Allemagne en 2024 (% des exportations totales vers l’Allemagne)Après avoir crû d'environ 20% en 2021 et 2022, la croissance des exportations italiennes (en valeur) a ralenti en 2023 (1,9%) et est devenue négative en 2024 (-0,4%)[1]. Point positif, les exportations de produits alimentaires et pharmaceutiques ont augmenté (+8% et +9,5% resp.). En revanche, celles de métaux et matériaux de transport ont diminué (-3,3% et -12%).
La faiblesse de l’Allemagne, son principal partenaire commercial (11,4% des exportations totales), a affecté les exportations italiennes. Ainsi, les ventes à ce partenaire majeur ont baissé de 5% en 2024 en raison de la chute des exportations de matériel de transport (-20,2%) et de métaux (-10,9%).
Par ailleurs, parmi les pays de l'UE, l’Italie est l'un des plus exposés aux marchés non européens. En 2024, plus de 48% de ses exportations totales étaient dirigées en-dehors de l'UE (contre 45% pour l'Allemagne et la France, et environ 37% pour l'Espagne). En outre, les États-Unis sont la deuxième destination des produits italiens (10,4% des exportations totales, soit près de deux fois plus qu'en 2010), bien qu’en 2024 les exportations vers cette destination aient diminué (-3,6%), principalement le matériel de transport (-30%).
Défis : l’impact des politiques d'investissement allemandes
Le 18 mars, le Parlement allemand a approuvé un ensemble de mesures de dépense, comprenant un fonds d'infrastructure de EUR 500 mds sur 12 ans et la possibilité d’augmenter significativement les dépenses de défense. L’Allemagne étant le principal partenaire commercial de l’Italie, ce plan devrait stimuler les exportations italiennes, en particulier dans les machines, la technologie et les biens intermédiaires (dont les matériaux de construction, cf. graphique 2). L’Italie pourrait également bénéficier de nouvelles collaborations avec l’Allemagne : des projets communs d'infrastructure et de défense pourraient stimuler une coopération industrielle plus approfondie entre leurs entreprises. Toutefois, des incertitudes subsistent quant au calendrier de mise en œuvre du plan d'investissement de l'Allemagne et à son impact économique plus large.
Focus | Impact du plan ReArm Europe sur l'Italie
Dans le cadre de ReArm Europe, les États membres de l'UE seront autorisés à augmenter leurs dépenses de défense au-delà des limites fixées dans les plans budgétaires et structurels nationaux à moyen terme, et jusqu'à 1,5 point de PIB supplémentaire. Les investissements de défense dans l'ensemble de l'UE pourraient atteindre EUR 800 mds sur quatre ans (dont un fonds de EUR 150 mds (Security Action for Europe) destiné à soutenir des prêts pour des investissements de défense).
D’après une analyse récente de l'OPCI (un think thank italien), les dépenses de défense de l'Italie passeraient progressivement de 1,6% du PIB en 2024 à 3,1% d'ici 2028. Selon ce scénario, les EUR 128 mds de dépenses supplémentaires ne devraient augmenter le déficit que d'environ EUR 15 mds d'euros par an en moyenne (+0,6 pp du PIB), car l’effort serait partiellement financé par des économies. Le ratio de dette sur PIB de l'Italie atteindrait 135,5% d'ici 2031, dépassant à la fois le niveau de 2024 (+0,02pp) et la prévision de base du plan budgétaire structurel (+3,5pp).
Achevé de rédiger le 17 avril 2025
[1] Les données figurant dans ce paragraphe ne sont pas désaisonnalisées.