Reprise confirmée de l’activité hors pétrole
La croissance du PIB hors pétrole a sensiblement accéléré depuis le deuxième trimestre 2019. Selon notre estimation, le PIB non pétrolier a progressé de 4,3% en T3 2019 (+3,1% en T2 2019), contre 2% en moyenne en 2018. Cette reprise de l’activité est avant tout due au rebond de la consommation des ménages. En effet, la croissance des activités de commerce (9% du PIB) a été de 8%. Les secteurs de la construction et de l’ensemble « immobilier et finance » ont aussi alimenté la croissance, progressant respectivement de 4,6% et 6,3%. Ensemble, ils représentent environ 15% du PIB. Cette tendance est confirmée par la progression des prêts immobiliers aux ménages (12% des crédits totaux au secteur privé) qui ont significativement augmenté depuis 2018. Au troisième trimestre 2019, ils ont progressé annuellement d’un tiers. Par contre, le secteur manufacturier (hors raffinage) continue de se replier (-0,8%) pour le troisième trimestre consécutif.
Selon les premières estimations, les dépenses budgétaires ont baissé de 2,8% en 2019. Mais la masse salariale (50% des dépenses totales) a augmenté de 4,1% en 2019. De plus, le fonds souverain saoudien (PIF pour Public Investment Fund) intervient de façon croissante dans la politique d’investissement du gouvernement et compense largement la réduction des investissements de ce dernier. Au total, malgré une baisse nominale des dépenses du gouvernement, les dépenses publiques dans leur ensemble restent orientées à la hausse et leur effet sur l’activité économique sera positif.
Notre indicateur avancé d’activité du secteur non-pétrolier[1] indique que cette reprise devrait se confirmer dans les trimestres à venir. En effet, celui-ci évolue positivement depuis deux trimestres après 14 trimestres consécutifs de baisse. Au total, nous estimons que la croissance du PIB non pétrolier a progressé de 3,5% en 2019. Au niveau de l’économie dans son ensemble, cela devrait permettre une légère croissance du PIB (+0,7%) qui reste contraint par l’évolution négative du PIB pétrolier (-3,4% en 2019).
L’activité non pétrolière devrait rester soutenue en 2020. Dans le projet de budget du gouvernement, les dépenses courantes devraient baisser de 3% tandis que la masse salariale devrait rester stable. Comme l’inflation devrait revenir en territoire positif (-1,2% en moyenne en 2019, tiré par la baisse continue des loyers[2]) et atteindre en moyenne 0,6%, la masse salariale dans le secteur public devrait diminuer en termes réels.
Néanmoins, les récentes évolutions du marché du travail devraient soutenir la demande privée. Parmi la population des nationaux, la baisse du chômage et la hausse du taux de participation (notamment parmi les jeunes) devraient se poursuivre en 2020. Par ailleurs, les sorties du marché du travail des travailleurs expatriés (les départs nets ont atteint pratiquement 2 millions de personnes depuis 2017) est en baisse notable depuis mi-2019.
Si les dépenses d’investissement du gouvernement devraient rester au mieux stables, les dépenses d’investissement public réalisées par le PIF devraient atteindre un rythme de croisière et contribuer encore positivement à l’activité du secteur de la construction au sens large. Nous prévoyons une stabilisation du PIB hydrocarbures. D’éventuelles nouvelles baisses de la production de pétrole brut devraient être compensées par une hausse de la production d’autres hydrocarbures.
Au total, en 2020 nous prévoyons une progression de 3% du PIB non pétrolier, ce qui devrait amener la croissance du PIB total à 1,2%.
Des évolutions budgétaires contrastées
Depuis 2014, les déficits budgétaires sont récurrents et assez significatifs. La difficile maîtrise des dépenses et la faible diversification des revenus, dans un contexte de déprime du marché pétrolier, ont dégradé la situation des finances publiques. D’après les premières estimations de l’année budgétaire 2019, le déficit est en réduction mais sans que des réformes aient été mises en place. Ce sont des opérations exceptionnelles ou utilisant des ressources non budgétaires qui permettent cette amélioration.
En 2019, le déficit budgétaire a atteint 4,6% du PIB, en réduction par rapport à 2018 (5,9% du PIB). Le service de la dette a augmenté de 40%, mais ne représente que 2% des dépenses totales. Une grande partie de l’ajustement a été fait par la baisse des dépenses en capital (16% des dépenses totales) qui ont baissé de 9%. Celles-ci – indispensables au plan de modernisation de l’économie – sont maintenant assurées en partie par le fonds souverain PIF. Du côté des revenus budgétaires, la diversification progresse timidement en l’absence de nouvelles réformes. Les revenus non pétroliers ont progressé de 7% et représentent toujours un tiers des recettes budgétaires totales. Bien que le prix du pétrole (référence Brent) ait baissé de 11% en moyenne en 2019, les revenus pétroliers sont restés quasiment stables (-1%). Ce sont les dividendes exceptionnels versés par la compagnie pétrolière nationale Aramco qui ont permis de stabiliser le revenu. L’amélioration des comptes publics en 2019 est donc en partie artificielle.
Pour 2020, le projet de budget prévoit une baisse des dépenses du même ordre que celui de 2019 (-3%), avec une réduction des dépenses courantes (sauf le service de la dette qui augmenterait de 48%) et une quasi-stabilité des dépenses d’investissement. Alors qu’un soutien budgétaire à la demande intérieure est nécessaire, il nous semble plus réaliste d’anticiper au mieux une stabilité des dépenses courantes. Du côté des revenus, aucune réforme fiscale qui permettrait d’augmenter la part du revenu non pétrolier n’a été annoncée. Le gouvernement prévoit une hausse de 2% des recettes non pétrolières. Concernant les revenus pétroliers, ceux-ci ont été calculés sur la base d’un prix moyen du Brent de 64 USD/baril, ce qui aboutit à une baisse de 16% du revenu pétrolier. Pour notre part, nous anticipons un niveau plus bas du prix moyen du pétrole et donc une baisse plus marquée de ce revenu (-20%).
Selon notre scénario central, le déficit budgétaire atteindrait 7,4% du PIB en 2020. La principale incertitude réside dans le caractère exceptionnel ou non du niveau de dividende versé par Aramco au gouvernement en 2019. Son renouvellement en 2020 amènerait le déficit budgétaire à 4,2% du PIB.
Hausse modérée de la dette publique
Traditionnellement, le financement du déficit budgétaire se fait par des émissions de dette et des retraits d’actifs du compte du gouvernement auprès de la banque centrale (SAMA). En 2020, selon les déclarations officielles, environ 35% du déficit serait financé par la dette, à 45% sur les marchés internationaux. Par conséquent, nous prévoyons une hausse de la dette du gouvernement à 26% du PIB fin 2020. Les avoirs du gouvernement à la SAMA devraient atteindre USD 142 mds, soit 18% du PIB. Si l’on suppose un recours croissant à l’endettement dans les années à venir, la dette du gouvernement pourrait atteindre 34% du PIB en 2022 et les avoirs à la SAMA, l’équivalent de 14% du PIB. La solvabilité du gouvernement ne présente donc pas de risque à court ou moyen terme, notamment si l’on prend en compte les actifs du PIF évalués à environ 50% du PIB.
Néanmoins, la vulnérabilité des finances publiques aux cours du pétrole reste élevée, et l’activité économique reste dépendante de la dépense publique. Le potentiel de croissance est contraint par le rythme erratique des réformes budgétaires et les perspectives mitigées du marché du pétrole.