Des signes plus concrets de reprise ?
Au troisième trimestre 2019, l’activité économique a été marquée par le raffermissement des moteurs internes de la croissance. Le PIB réel a progressé de 2,5% t/t en rythme annualisé (r.a.), et de 1,2% en glissement annuel (g.a.), alors même que la contribution nette du commerce extérieur est restée fortement négative. Le chiffre de la croissance – qui a surpris la plupart des observateurs à la hausse – a notamment bénéficié d’un vif rebond de la production dans le secteur minier (+57,4% t/t r.a.) et d’un regain d’activité dans le secteur de la construction. Lourdement affecté par la crise, ce dernier a affiché une croissance positive sur deux trimestres pour la première fois depuis 2013. Du côté de la demande, la croissance a été tirée par la consommation des ménages (+0,5 p.p.) et l’investissement (+0,4 p.p.) qui maintient sa progression observée au T2. Toujours marqué par les efforts d’ajustement budgétaire du gouvernement, les dépenses publiques, à l’inverse, ont reculé
(-1,7% t/t en rythme annuel). À noter qu’une ventilation de l’activité par état et par région montre que la croissance est plus dynamique dans les zones où les services publics représentent une part proportionnellement moins importante du PIB local, avec des écarts en moyenne de l’ordre de 2 points de croissance. Ce constat entretient la thèse d’une reprise économique à deux vitesses et pose la question à terme de l’évolution des inégalités régionales.
Les indicateurs disponibles au T4 laissent anticiper une légère décélération de l’économie en fin d’année. En effet, si les ventes de détails sont restées solides en novembre (+0,6% m/m, cvs), affichant une progression positive depuis mai 2019, les services ont légèrement décéléré (-0,1% m/m) et la production industrielle a rechuté (-1,2% m/m) après trois mois consécutifs de hausse (reprise des activités du géant minier Vale et production pétrolière record de Petrobras au T3). La production industrielle semble souffrir du ralentissement de l’activité dans le secteur manufacturier (env. 11% du PIB). Le PMI manufacturier, bien que toujours en territoire expansionniste en décembre (50,2) s’effrite graduellement depuis septembre (53,4). Bien qu’il ait continué de progresser en octobre et novembre, le proxy du PIB (IBC-BR), calculé par la banque centrale, a aussi ralenti par rapport aux deux mois précédents. La hausse des dépenses pendant les fêtes de fin d’année conjuguée au déblocage, courant septembre, des fonds des comptes FGTS (cf. EcoEmerging T4 2019), ainsi que la bonne tenue de la production de minerai devraient toutefois permettre de contenir le ralentissement.
La politique monétaire, principal levier de croissance
En 2020, la politique monétaire demeurera le principal levier pour stimuler l’activité et contrebalancer les effets défavorables liés à l’austérité budgétaire et à un environnement externe moins porteur. Les effets de l’assouplissement monétaire (baisse du SELIC de 200 points de base depuis août 2019) devraient en effet se faire ressentir dans les prochains trimestres et permettre une expansion plus vigoureuse du crédit. Pour l’instant, il reste tiré par les ménages (58% du crédit total et +10,8% de croissance en g.a. en novembre) mais on observe un redémarrage du crédit aux entreprises (+2,5% en g.a. en novembre). La baisse graduelle du chômage (11,8%, données cvs en novembre contre 12,3% en janvier), la hausse récente de l’emploi formel et la progression des salaires réels (1,2% g.a. en novembre) devraient profiter à la consommation des ménages, tandis que la baisse des taux longs devrait finir par soutenir l’investissement.
Des comptes externes sous pression
Les révisions méthodologiques apportées aux statistiques de la balance des paiements en 2019 dépeignent un tableau un peu plus sombre des comptes externes. Le déficit courant pour l’année 2018 est passé de USD 15 mds (-0,8% du PIB) à USD 42 mds (-2,2% du PIB) en raison d’un déficit de la balance des revenus plus important que prévu (+USD 19,6 mds). En 2019, le déficit s’est creusé davantage (-2,8% du PIB sur 12 mois en novembre) en raison d’un fort repli de l’excédent commercial (-20%).
La balance commerciale a notamment souffert de la chute des ventes de soja (-21% g.a.), le premier poste d’exportations du pays, due à la baisse de la demande chinoise suite à une épidémie de grippe porcine. La Chine – qui absorbe environ 80% des exportations de soja brésilien destiné principalement à l’alimentation animale – a dû, dans le même temps, intensifier ses importations de viande de porc, bœuf et poulet. La hausse des exportations de viande, conjuguée à celle des minerais de fer, n’a toutefois pas été suffisante pour contrebalancer la baisse des exportations de soja, de pétrole ainsi que la forte chute des ventes de véhicules (-27,5% g.a.). En 2020, la décélération de ses deux principaux partenaires commerciaux (la Chine et les États-Unis) devrait peser sur les exportations du Brésil. Ces dernières devraient aussi continuer de pâtir de l’ajustement macroéconomique en Argentine (dont les importations ont baissé de USD 5,2 mds en 2019), et ne profiter que marginalement de la dépréciation du BRL, selon une étude de l’IIF[1].
Du côté du compte financier, les flux d’investissements directs étrangers (IDE) ont également été revus à la baisse, d’USD 88 mds à USD 78 mds sur la base de nouvelles données d’enquête. En 2019, les IDE se sont maintenus (USD 77 mds sur 12 mois en novembre) mais leur composition a changé : les prêts intragroupes ont fortement baissé (-USD 17 mds) tandis que les investissements greenfields et autres fusions acquisitions ont augmenté (+USD 16 mds). Les IDE nets financent toujours le déficit du compte courant mais le taux de couverture se réduit (2,9% PIB en novembre contre 4% du PIB en 2018). Dans le même temps, les sorties nettes d’investissements de portefeuille se sont accentuées (USD 10,9 mds sur 12 mois en novembre 2019 contre USD 6,4 mds fin 2018) en raison de la réduction de l’écart de taux d’intérêt avec les pays développés. À la Bourse, alors que l’indice B3-Ibovespa a pris 31% en 2019, la participation des investisseurs étrangers est passée de 52% en 2018 à 44% en 2019, tandis que la détention de titres de dette souveraine par les non-résidents sur le marché local est tombé à un plus bas en novembre (11,1%).
Plus généralement, les sorties nettes de devises ont atteint un record de USD 44,8 mds expliquant en partie les fortes pressions baissières sur le real. La monnaie, qui a atteint un plus bas historique contre le dollar à 4,27, a manqué de facteurs de soutien : d’une part, l’intérêt limité des compagnies étrangères pour la vente aux enchères des droits pétroliers en novembre a conscrit les flux d’IDE initialement escomptés; d’autre part, les entreprises ayant des recettes d’exportation détenues offshore ont préféré accélérer l’amortissement de leurs engagements extérieurs plutôt que rapatrier leurs avoirs. Pour contenir les pressions sur la monnaie et atténuer sa volatilité, la BCB a ainsi vendu USD 36,9 mds sur le marché des changes. Accusant le pays de « dévaluation massive », les États-Unis – dont le secteur agricole est en forte concurrence avec le Brésil – ont rétabli, fin 2019, des tarifs douaniers sur l’acier (25%) et l’aluminium (10%) brésiliens.
Jair Bolsonaro : an 1
La première année de Jair Bolsonaro à la tête du Brésil a été marquée par la dégradation rapide de l’image du chef de l’Etat. Son taux d’approbation est tombé à 30%, un plus bas historique pour un président durant sa première année en exercice. Son gouvernement peut toutefois se féliciter d’avancées notables sur le plan des finances publiques. En 2019, le secteur public consolidé devrait avoir réduit son déficit primaire d’au moins 0,4 point de PIB par rapport à 2018 (-1,6% du PIB). De plus, après avoir mené à bien une réforme des retraites ambitieuse, son gouvernement a présenté, début novembre, de nouvelles mesures budgétaires (le plan Mais Brasil) pour endiguer la progression des dépenses obligatoires, réformer la fonction publique, décentraliser les revenus, simplifier la fiscalité et renforcer la responsabilité budgétaire. En conséquence, l’agence S&P a relevé la perspective encadrant sa note souveraine (BB-) de stable à positive, laissant augurer une première hausse de la note du Brésil depuis 2011.