Légère amélioration de la croissance en 2020
Après avoir quasiment stagné en 2019, la croissance devrait légèrement rebondir en 2020. La consommation privée restera le principal moteur de la croissance, soutenue par la hausse des salaires réels et les transferts des travailleurs à l’étranger (en hausse de près de 9% en g.a. au cours des trois premiers trimestres 2019). Comme en 2019, les exportations devraient contribuer positivement à la croissance, en dépit du léger ralentissement de l’économie américaine.
En revanche, les perspectives d’investissement ne s’améliorent pas franchement. Au cours des trois premiers trimestres 2019, l’investissement privé a chuté de près de 4% en glissement annuel. Ce recul traduit la méfiance des investisseurs vis-à-vis de l’administration d’Andres Manuel Lopes Obrador (AMLO) depuis son élection (en juillet 2018), et leur attentisme quant à la politique menée au cours du mandat.
Dans le but de rassurer et d’améliorer les perspectives d’investissement, le gouvernement a annoncé, fin novembre, un vaste programme d’infrastructures. Ce dernier, comprenant près de 150 projets pour un montant de USD 43 mds (soit près de 4% du PIB), est très largement ouvert au secteur privé. La première phase, qui concerne les secteurs des transports et des télécommunications, devrait être lancée dès le premier trimestre 2020. Cela dit, les difficultés de réalisation pourraient significativement retarder la mise en route de plusieurs projets déjà programmés et en partie financés. Par ailleurs, la deuxième phase du plan, qui détaille notamment les projets relatifs au secteur de l’énergie, doit encore être annoncée. Au total, même si plusieurs chantiers sont effectivement lancés dès le premier trimestre 2020, la hausse de l’investissement devrait rester limitée.
Le rôle central du secteur de l’énergie
Les annonces concernant le secteur de l’énergie sont très attendues. D’une part, l’évolution de la participation des acteurs privés dans le secteur reste très incertaine. Au moment de son arrivée au pouvoir, en décembre 2018, AMLO avait annoncé l’annulation de la réforme énergétique mise en place par le précédent gouvernement et son intention de remettre les deux entreprises publiques, PEMEX (entreprise chargée de l’exploitation pétrolière) et la CFE (l’entreprise nationale d’électricité) au centre du jeu.
Dans ce cadre, la participation des opérateurs privés devait être progressivement réduite au cours du mandat. Dès la fin 2018, le gouvernement a effectivement mis fin aux appels d’offres privés relatifs au projet de construction d’une nouvelle raffinerie, et suspendu les enchères prévues pour des contrats de fourniture d’électricité à la CFE. En octobre dernier, le gouvernement a également signifié un changement de règle concernant le mécanisme des « certificats d’énergie propre », dans le but de freiner l’intervention des investisseurs privés sur ce marché, de favoriser le développement du marché de l’énergie électrique et renforcer ainsi le poids de la CFE. Comme dans le cas, un an auparavant, de l’annulation du projet de construction d’un aéroport supplémentaire à Mexico, ces décisions ont surpris les investisseurs et contribué à alimenter leur sentiment de défiance vis-à-vis du gouvernement.
D’autre part, la situation opérationnelle et financière des entreprises publiques, surtout PEMEX, représente une vulnérabilité importante pour l’économie mexicaine. En juillet dernier, le gouvernement a présenté un plan de développement à cinq ans peu convaincant, reposant sur des hypothèses très optimistes (tant sur l’augmentation de la production que sur la projection des réserves), limitant encore la coopération avec des intervenants privés et prévoyant d’importants investissements dans le raffinage, une activité déficitaire. Le gouvernement a également annoncé une augmentation des aides financières allouées à l’entreprise (là encore, probablement sous-estimée), ainsi qu’une baisse de la taxe sur les revenus pétroliers.
Les récentes injections de capital (USD 5 mn en septembre dernier) ont permis d’améliorer la situation financière à court terme, mais celle ci reste très fragile à moyen terme. D’après les estimations du FMI, même en retenant les hypothèses d’une stabilisation de la production au cours des cinq années à venir et de la réalisation des investissements présentés dans le plan de développement, l’entreprise devrait rester déficitaire et nécessiter de nouvelles injections de capital, ce qui pèsera sur les finances publiques. Les potentielles difficultés rencontrées pour refinancer la dette exerceront une pression supplémentaire.
Maintien de l’austérité budgétaire…
Au moment de la présentation de son budget pour l’année 2020, le gouvernement a renouvelé son engagement de soutenir la croissance sans détériorer les finances publiques ni augmenter les impôts et taxes au cours de la première partie du mandat (soit jusqu’en 2021).
Dans ce cadre, le budget prévoit une hausse des dépenses de seulement 1% (en termes réels, relativement au budget 2019). Comme l’avait indiqué AMLO, le ministère de l’Énergie (dont le budget est multiplié par 20) et l’entreprise publique de production pétrolière PEMEX (dont le budget augmente de près de 9%) sont largement favorisés, au détriment de plusieurs programmes sociaux et des budgets des États fédérés. D’après les prévisions fournies par le gouvernement, l’excédent primaire et le déficit public devraient atteindre respectivement 0,7% et 2,6% du PIB (après 1% et 2,7% attendus en 2019) et le ratio de dette publique devrait se stabiliser à 46% du PIB.
L’engagement pourrait toutefois s’avérer difficile à tenir, les hypothèses retenues dans le budget paraissant trop optimistes. Le gouvernement prévoit en effet une croissance du PIB de 2% en 2020, et une augmentation de la production pétrolière (combinant la production de l’entreprise publique PEMEX et la production privée) s’élevant à 1,95 million de barils par jour.
Or depuis le début de l’année 2019, la production pétrolière s’est stabilisée autour de 1,7 million de barils par jour (voir graphique) et la Commission nationale des hydrocarbures mexicaine prévoit une baisse de la production d’environ 5% en 2020. En retenant cette hypothèse, la perte de revenu devrait avoisiner 0,5% du PIB, soit un montant équivalent à celui estimé par le ministère des Finances pour 2019.
Le gouvernement a indiqué que la perte de revenus pour 2019 serait compensée (pour un montant équivalent à 0,6% du PIB) par les réserves du Fonds de stabilisation des recettes budgétaires (FEIP). D’après les estimations du FMI, celles-ci représentent environ 1,3% du PIB, ce qui laisserait la possibilité au gouvernement de renouveler l’opération en 2020.
…pour combien de temps ?
Les contradictions du gouvernement pèsent sur les perspectives de moyen terme. Le pays reste exposé au retournement du sentiment des investisseurs, et le manque de lisibilité de la politique économique, surtout concernant la réforme énergétique, entretient l’attentisme constaté depuis le début du mandat de AMLO. Dans le même temps, le risque de dérapage des finances publiques augmente : dans un contexte de faible croissance, maintenir la politique d’austérité souhaitée par le gouvernement s’avèrera plus difficile à partir de 2021. Les dépenses ont déjà été nettement réduites au cours du précédent mandat (proches de 13% du PIB en 2019, contre 17% en 2015), laissant peu de marges de manœuvre, et les réserves du FEIP ne suffiront pas à compenser le manque de revenus, et les besoin de financement de PEMEX, sur la durée du mandat. Enfin, le niveau de l’économie informelle est encore très élevé au Mexique (58% selon l’INEGI), ce qui signifie que même si la réforme fiscale (promise par AMLO) était effectivement mise en place à partir de 2021, les revenus n’augmenteraient pas suffisamment pour compenser la baisse de revenus liée à la faiblesse de la croissance.