Qu’est-ce qui explique cette corrélation en général élevée ? L’une des raisons tient à la cause du ralentissement. Lorsque le choc est mondial, comme en 2008-2009, ou à l’échelle d’une région économique ou d’un pays, comme la crise de la dette souveraine dans la zone euro en 2011-2012, il est normal de s’attendre à ce que le secteur manufacturier et les services pâtissent simultanément de la baisse de la confiance, du revenu, de l’accès au financement, etc. Lorsque le choc est spécifique à un secteur, ce qui est dans une large mesure le cas depuis le début de 2018, l’ampleur de l’effet de contagion de l’industrie manufacturière aux services dépend du degré d’interdépendance entre les deux secteurs. Dans une étude réalisée en 2014, l’European Consortium for Sustainable Industrial Policy (ECSIP)[ii] faisait remarquer que « comme les services sont utilisés dans les processus de production manufacturière, la valeur d’un produit manufacturier fini comprend directement et indirectement la valeur ajoutée créée dans une large mesure par le secteur des services ». Sur la base des données de 2011, dans l’UE-27, « lesservices représentent un peu moins de 40 % de la valeur d’un produit manufacturier fini »[iii]. Conséquence directe : un repli de la demande pour les produits manufacturiers a un impact considérable sur l’ensemble de la chaîne de valeur et, par conséquent, sur les services[iv].
Les effets de confiance peuvent également jouer un rôle : face à la situation très difficile de l’industrie manufacturière, en l’absence de perspective d’amélioration, les entreprises du secteur des services peuvent finir par avoir des craintes concernant les perspectives de leur propre activité. De telles préoccupations peuvent impacter leurs plans de recrutement et d’investissement.
Pour explorer ces relations, les graphiques suivants illustrent, sur l’axe des abscisses, la variation sur 12 mois du PMI manufacturier et, sur l’axe des ordonnées, la variation équivalente pour les services. En France, en Italie et en Espagne, les corrélations sont très élevées, tandis qu’elles le sont moins en Allemagne. Dans ce pays, la pente de la courbe de régression est également moins accentuée, indiquant que les services sont plus à l’abri des évolutions du secteur manufacturier ou qu’ils dépendent d’autres facteurs. Le plus frappant, cependant, est l’importance de la divergence entre les dernières données relatives à la variation sur 12 mois du PMI des services allemand et ce à quoi on pourrait s’attendre en raison de la relation historique entre les deux secteurs et de la forte baisse du PMI manufacturier. Cette anomalie devrait normalement se corriger d’elle-même sous l’effet d’un rebond du secteur manufacturier, d’un repli significatif des services ou d’une combinaison des deux. Compte-tenu de la forte corrélation entre les deux indices dans les autres pays, il est important, au moment d’étudier la résilience des services de la zone euro à la mauvaise passe observée dans l’industrie manufacturière, de centrer l’analyse sur l’Allemagne. À l’évidence, l’absence de redressement du sentiment dans le secteur manufacturier pourrait finir par entamer la confiance, non seulement en Allemagne, mais aussi, compte tenu du poids de ce pays, dans le reste de la zone euro.