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Eco Emerging // 2 trimestre 2022
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stabilité dans un tel environnement. En outre, les autorités n’excluent
pas de demander au FMI une nouvelle de ligne de précaution de li-
quidité en devises en cas de pressions trop fortes sur la balance des
paiements. Pour l’instant, elles apparaissent gérables. L’évolution du
dirham ne reflète pas de tensions particulières (graphique 1). Le dé-
crochage du MAD contre le dollar US juste après le déclenchement du
conflit est en grande partie lié à celui de l’euro face au dollar. De plus,
le MAD continue d’évoluer à l’intérieur des bandes de fluctuations, et
les taux forward traduisent un risque de change limité à ce stade.
MAROC : CONTRIBUTION À L’INFLATION ET TAUX DIRECTEUR
Alimentation
Inflation
Transport
Taux directeur
Autres
4 %
3
2
1
0
1
2
PAS DE CHANGEMENT DE CAP SUR LE PLAN BUDGÉTAIRE…
La situation des finances publiques offre également des marges de
manœuvre, du moins à court terme. Contrairement à d’autres pays de
la région, l’État marocain ne subventionne plus les prix de l’essence
depuis 2015. Des mesures ciblées pour soutenir les professionnels du
transport ont été annoncées mais le montant reste pour l’instant limité
à 0,2% du PIB. En revanche, les subventions pour le gaz butane et la
farine de blé vont gonfler fortement. Selon les dernières estimations,
elles devraient atteindre 2,4% du PIB cette année contre 1,4% initia-
lement budgété, un surcoût qui s’ajoutera aux différentes mesures de
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2017
2018
2019
2020
2021
2022
GRAPHIQUE 2
SOURCES : BANQUE CENTRALE, HAUT COMMISSARIAT AU PLAN
soutien sectoriels (tourisme, agriculture). Face à cela, le gouvernement nale du salaire moyen dans le secteur privé n’aurait atteint que 1% au
compte mobiliser des ressources supplémentaires grâce notamment T4 2021 et celle des crédits bancaires à l’économie 3,3% (février). Dans
aux excellents résultats de la compagnie publique des phosphates, les deux cas, elle se situe en dessous de l’inflation. Avec un taux de
l’OCP.
chômage de 11,9% contre 10,2% au T4 2019, l’économie marocaine n’a
pas non plus complètement effacé l’intégralité des pertes d’emplois
induites par le choc de la pandémie au moment où la conjoncture se
dégrade à nouveau. Malgré une inflation attendue à 4,6% cette année
et des risques haussiers élevés, la banque centrale dispose donc d’ar-
guments pour maintenir son biais accommodant.
La cible budgétaire reste inchangée avec un déficit de 6,3% du PIB en
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022 (5,9% en incluant les recettes de privatisations). Si certaines
hypothèses sont encore fragiles, les autorités ont annoncé qu’elles
n’auraient pas besoin de recourir à une loi de finances rectificative.
Aucune réallocation de dépenses n’est envisagée alors que le budget
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022 table sur un montant d’investissement public record de plus de
0 points de PIB (entreprises publiques, collectivités territoriales et CROISSANCE : UN COUP D’ARRÊT ET DES MENACES
fonds stratégique Mohammed VI inclus) et que démarre le chantier
de l’extension de la protection sociale, dont le coût est estimé à 1,5%
du PIB par an sur les cinq prochaines années. Le fait que les autorités
n’envisagent pas d’utiliser les droits de tirage spéciaux (0,9% du PIB)
alloués par le FMI en août 2021 constitue un autre signe de confiance.
Quoi qu’il en soit, elles pourront toujours s’appuyer sur un marché do-
mestique liquide et captif pour continuer à se financer à des conditions
avantageuses. Malgré une dette élevée à 75% du PIB, la charge d’inté-
rêt n’absorbe que 12% des recettes en raison d’un taux d’intérêt appa-
rent parmi les plus faibles de la région, de 3,3%. De plus, la structure
de la dette est favorable. Libellée à 77% en monnaie locale et détenue
par des résidents nationaux, elle est peu sensible aux chocs exogènes.
Après le fort rebond enregistré en 2021, la croissance va subir un coup
d’arrêt cette année. La banque centrale vient en effet de ramener sa
prévision à seulement 0,7% en raison de la chute de 20% de la valeur
ajoutée agricole. Si des pluies tardives pourraient permettre de sauver
quelque peu les récoltes, la contre-performance du secteur primaire
va dans tous les cas peser sur la croissance compte tenu de son poids
significatif dans l’économie (10 à 12% du PIB). En outre, les activités
non agricoles risquent de souffrir fortement des aléas de la conjoncture
mondiale. Pour l’instant, les révisions sont modestes. Une décélération
de la croissance hors secteur agricole est certes attendue en raison de
l’impact du regain d’inflation sur la consommation des ménages. Mais
elle resterait relativement solide, autour de 3%, grâce au maintien du
stimulus monétaire et de l’orientation toujours expansionniste de la
politique budgétaire. Sur le plan sectoriel, le rebond espéré du tou-
risme devrait également soutenir l’activité. Cependant, la visibilité est
réduite en raison des incertitudes sur l’amplitude du choc et sa durée.
Une chute trop brutale de l’activité en Europe consituerait par exemple
un puissant frein au secteur manufacturier marocain dont le rebond a
été essentiel en 2021. Surtout, les autorités pourraient être amenées
à changer de priorité en cas d’érosion trop forte du pouvoir d’achat ou
de pressions persistantes sur les comptes publics. Des réallocations
de dépenses, voire un resserrement de la politique monétaire, seraient
ainsi à prévoir, fragilisant un peu plus une économie toujours convales-
cente.
…
NI MONÉTAIRE POUR L’INSTANT
En décidant de laisser son taux directeur inchangé à 1,5%, la Banque
centrale marocaine s’est aussi voulue rassurante. Comme partout dans
le monde, l’inflation accélère mais la poussée est récente et encore
contenue (graphique 2). En 2021, la hausse des prix à la consommation
a atteint seulement 1,4% en moyenne annuelle. Elle était de 3,6% en
glissement sur un an en février et la situation va s’aggraver dans les
mois à venir compte tenu des tensions sur les marchés mondiaux des
matières premières et de la chute de la production agricole. Les trois-
quarts de l’accélération de l’inflation ces derniers mois résulte en effet
de celle des prix des produits alimentaires (+5,5% en février 2022) et
des transports (+6%), dont l’origine est essentiellement externe. Si l’on
exclut ces deux postes, en revanche, la progression est inférieure à 2%.
De fait, la pression est limitée sur le plan interne. La croissance nomi-
Achevé de rédiger le 13/04/2022
Stéphane ALBY
stephane.alby@bnpparibas.com
La banque
d’un monde
qui change