De plus, l’incertitude de leurs projections serait en ligne avec la moyenne historique et ils estiment les risques pesant sur les perspectives relativement équilibrés. La banque centrale affiche ainsi une patience confiante : si les perspectives de croissance ne lui inspirent pas d’ inquiétude, elle se donne le temps d’attendre avant d’envisager une nouvelle décision sur les taux directeurs. Pourquoi se hâter alors que l’inflation se maintient obstinément à un niveau proche de l’objectif et que les vents contraires venant du reste du monde n’ont pas disparu??
«?Quelques membres ont fait observer que la trajectoire appropriée de la politique monétaire, dans la mesure où cela implique une baisse des taux d’intérêt pendant une période prolongée, pourrait conduire à un accroissement des risques pour la stabilité financière. Cependant, certains d’entre eux ont souligné que l’on pouvait faire face à de tels risques pour la stabilité financière par une utilisation appropriée des outils contracycliques et macroprudentiels ou autres instruments de contrôle ou de régulation?» indique le compte-rendu. En outre, certains membres remarquent « qu’une éventuelle détérioration de l’économie américaine pourrait être amplifiée par une forte hausse du service de la dette des entreprises ». On fera aisément le lien avec le dernier rapport du FMI sur la stabilité financière dans le monde.
Dans ce rapport intitulé Facteurs de vulnérabilité dans un cycle du crédit qui parvient à maturité, les auteurs soulignent que le cycle du crédit des entreprises américaines semble avoir atteint son plus haut niveau de l’histoire récente (tout en restant inférieur à celui d’autres pays) ; les émetteurs moins bien notés occupent une place grandissante parmi les emprunteurs du secteur des entreprises et l’endettement a atteint des plus hauts cycliques dans la plupart des catégories de notation. Une telle évolution est assez logiquement le résultat d’une longue période de politique monétaire accommodante et d’une expansion de l’activité mondiale. Cependant, si ces facteurs de soutien cycliques se transforment en vents contraires, les conséquences d’une résilience réduite ne tarderont pas à apparaître :une sensibilité accrue à la baisse des bénéfices ou à une hausse des taux d’intérêt, suite à l’accroissement du spread de la dette des entreprises par rapport aux Treasuries en cas d’augmentation des risques de récession. L’ampleur du retournement de la conjoncture est dès lors déterminante : «?Même si les bilans des entreprises paraissent suffisamment solides pour endurer un ralentissement économique modéré ou un resserrement progressif des conditions financières…un ralentissement prononcé de la croissance bénéficiaire ou un resserrement brutal des conditions financières pourrait se traduire par une dégradation notable de la qualité du crédit des entreprises?». Il y a lieu d’être attentif au risque d’effets de contagion qui partiraient des émetteurs les moins bien cotés car ils subiront davantage la détérioration macroéconomique. Cela pourrait finir par affecter les sociétés mieux cotées en raison de leurs activités avec des entreprises fragilisées et de la détérioration de leur propre capacité à se financer auprès de banques et d’investisseurs en général plus prudents. Compte tenu des effets différés de la détente monétaire pour faire face à une telle évolution, la Fed doit relever un double défi : éviter un resserrement excessif de la politique monétaire quand l’environnement est toujours satisfaisant et s’assurer de pouvoir l’assouplir assez rapidement quand il se détériore. Car au-delà de la patience confiante, la politique monétaire sera aussi affaire de prudence patiente.