L’économie britannique a évité la récession au 2nd semestre 2022, grâce à l’investissement des entreprises et à la consommation (publique et privée). Les chiffres d’inflation de février se maintiennent à un niveau exceptionnellement élevé, ce qui devrait éroder le pouvoir d’achat des ménages. La récession pourrait ainsi n’avoir été que reportée. Nous tablons désormais sur une contraction du PIB de -0,3% t/t au T1 puis de -0,2% au T2 2023. La Banque d’Angleterre (BoE) ne devrait pas relever son taux directeur au-delà d’une dernière hausse de 25 points de base en mars. Cela, et une désinflation qui irait en s’accélérant, permettrait un rebond de la croissance au 2nd semestre.
La résistance de la croissance au T4 2022 (+0,1% t/t) ressemble à un dernier arrêt avant une récession à laquelle le pays ne devrait pas échapper au 1er semestre 2023. La consommation des ménages a crû légèrement au dernier trimestre (+0,2% t/t), mais leur situation devrait se compliquer au T1 2023. L’inflation, à 10,4% a/a en février (pic à 11,1% a/a en octobre), continue de rogner sur leur pouvoir d’achat (le revenu disponible réel des ménages au T4 était inférieur de 1,2% au niveau prépandémique). Elle se situe à des niveaux historiquement élevés, notamment dans l’alimentation (+18,0% a/a) et la restauration (+11,4% a/a). En revanche, la chute des prix de l’immobilier, impactés par la hausse des taux (7% en février, plus haut niveau depuis 2008, contre 5,1% en septembre), se poursuit en mars (-3,0% a/a, plus fort recul depuis juillet 2009).
Du côté des entreprises, 2022 aura vu l’investissement réel progresser de 10,8% par rapport à 2021. Cette hausse est en grande partie due à un effet de rattrapage après sa forte chute en 2020 (-12% en moyenne annuelle), qui avait été suivie d’un rebond modeste en 2021 (+0,9%). Le niveau actuel reste néanmoins inférieur de 2,1% à son niveau pré-pandémique.
Ce soutien de l’investissement à la croissance ne devrait toutefois pas se prolonger en 2023, en raison de faibles perspectives de croissance et de la hausse du coût du crédit.
Le marché du travail reste résilient, le taux de chômage se maintenant à des niveaux historiquement bas (3,7% en janvier).
La hausse des salaires nominaux (+6,5% a/a hors bonus en janvier) est importante mais ne suffit pas à compenser l’inflation. Les ménages devraient ainsi voir leur pouvoir d’achat continuer de se réduire au 1er semestre 2023 avant de rebondir au 2nd sous l’effet de la désinflation attendue, qui ne suffira cependant pas à compenser la perte accumulée.
Ainsi, notre scenario prévoit une récession au 1er semestre (-0,3% puis -0,2% t/t au 1er et 2e trimestres), avant que des éléments moins négatifs qu’anticipé – notamment une politique budgétaire moins restrictive que prévu - ne viennent favoriser un rebond modéré au 2nd semestre (+0,3% puis +0,2% au 3e et 4e trimestres). En moyenne annuelle, la croissance britannique serait néanmoins négative (-0,4%), la seule dans ce cas des principales économies de l’OCDE que nous suivons.
Désinflation : graduelle au 1er semestre, plus rapide au 2nd ?
L’inflation a reflué depuis son pic d’octobre 2022 mais reste au-dessus de la barre des 10%. L’impact de la hausse des taux se fera pleinement sentir cette année. Au 2nd semestre, l’inflation devrait refluer plus rapidement (environ 3% en décembre), et les premiers effets de base favorables, liés à la baisse des prix de l’énergie, devraient être visibles. Les anticipations d’inflation ont commencé à baisser et participeront à la désinflation en deuxième partie d’année.
Face à cette situation, la BoE a rehaussé son taux directeur de 25 points de base, à 4,25% le 23 mars. Cette hausse devrait être la dernière. La BoE maintiendrait son taux directeur à ce niveau jusqu’à la fin de l’année. Les opérations de resserrement quantitatif (réduction du bilan de la BoE) devraient se poursuivre en 2023, mais la banque centrale devrait se montrer prudente face aux risques de récession qui pèsent sur l’économie britannique en limitant son resserrement monétaire.
Un budget public moins restrictif que prévu
Selon les dernières prévisions de l’Office for Budget Responsibility, le déficit public (Public Sector Net Borrowing) sera réduit de 0,4 point de PIB en moyenne par an jusqu’en 2028 par rapport à la prévision de novembre. Cette amélioration, due à l’activité plus résiliente que prévu (révision à la hausse de 0,8% du PIB à l’horizon 2028 par l’OBR), a permis au gouvernement d’annoncer un budget moins restrictif qu’attendu. L’Energy Price Guarantee a d’ores et déjà été prolongé jusqu’en juin, et les hausses de salaires dans le secteur public pourraient être plus élevées qu’initialement proposé. Une revalorisation de 5%, au lieu de 3,5%, aurait un coût additionnel de GBP 3,7 mds par an. Des mesures visant à accroître le taux de participation au marché du travail sont également incluses (pour un coût annuel équivalant à 0,3% du PIB jusqu’en 2028) et permettront de soutenir les ménages. Dans le même temps, le gouvernement a annoncé des mesures de soutien à l’investissement des entreprises à hauteur de 0,4% du PIB par an jusqu’en 2026 (GBP 9 mds). Elles visent à compenser la hausse du taux de l’impôt sur les sociétés qui passera de 19% à 25% en avril.
L’accord conclu avec l’UE autour de la question nord-irlandaise devrait permettre d’éviter d’accroître les coûts pour l’activité, mais devrait in fine avoir un impact limité sur la croissance (rendant plus attractifs les investissements en Irlande du Nord, mais avec un impact économique à l’échelle nationale plus marginal).
Un environnement politique plus apaisé, après les tensions obligataires de septembre 2022, devrait permettre de dégager des marges de manœuvre budgétaires à même de soutenir l’économie britannique face à une conjoncture difficile.
Achevé de rédiger le 31 mars 2023
Stéphane Colliac (avec l’aide de Louis Morillon, stagiaire)