Cette dernière a connu une croissance plus lente que lors de l’ère de Jacob Zuma, mais affiche toujours une progression annuelle moyenne de plus de 2% en termes réels en 2018/19 et 2019/20) tandis que le coût du service de la dette a également fortement progressé (plus de 12% en moyenne annuelle). Par ailleurs, en 2019, le plan de sauvetage d’Eskom, la compagnie d’électricité publique, pour près de ZAR (Rand sud-africain) 60 mds (1% du PIB) a encore creusé le déficit.
Le glissement budgétaire s’est accéléré au cours des trois dernières années. En 2020, face à une récession économique sans précédent, les autorités ont maintenu et étendu leur politique économique expansionniste avec un vaste plan de relance. Estimées à 500 milliards de ZAR (USD 27 mds, 10% du PIB), les mesures comprenaient un important soutien aux entreprises (via des réductions d’impôts et des prêts garantis par l’État) et aux ménages (soutien temporaire des revenus par le biais d’allocations sociales) ainsi qu’un système de prêts bancaires assortis de garanties d’État.
Le déficit s’est ainsi creusé à 9,9% du PIB sur l’exercice 2020/21 tandis que la taille des passifs éventuels atteignait 20,3% du PIB (contre 15% en moyenne sur les cinq exercices précédents). Dans ce contexte, le gouvernement a dû trouver de nouvelles ressources avec l’objectif de limiter l’augmentation du coût de financement. À cet égard, la stratégie de financement du gouvernement s’est davantage appuyée sur les émissions obligataires domestiques (plus de 80% du financement total sur les 2 dernières années), la liquidation de réserves en trésorerie, et sur le soutien des créanciers publics via des lignes de crédit à faible taux d'intérêt (notamment la RFI du FMI de USD 4,3 mds).
L’optimisme des prévisions budgétaires doit être tempéré
En 2021, dans un contexte de reprise, le déficit a été légèrement réduit, mais le taux d’endettement public a continué à augmenter. Pour l’exercice à venir, le gouvernement a publié fin février dernier des prévisions budgétaires plus favorables que celles de fin 2021. Cet optimisme a été principalement alimenté par des facteurs cycliques, tandis que les vulnérabilités structurelles persistent.
Premièrement, le budget est basé sur des projections relativement optimistes de croissance du PIB réel, de 1,9% en 2022/23 et de 1,7% en 2023/24. Il a cependant été élaboré avant le début de la guerre en Ukraine et la croissance économique pourrait être plus faible (+1,5% pour l’exercice 2022/23).
Le département du Trésor ne prévoit aucune réduction du déficit pour l’exercice 2022-2023 (clôture de l’exercice en mars 2023), avec un déficit de 6% du PIB malgré la hausse des prix des matières premières qui devrait doper les recettes fiscales. En revanche, le gouvernement n’envisage pas d’augmenter les taxes sur les carburants, car il ne veut pas aggraver la hausse des prix du pétrole brut sur les prix à la pompe.
Du côté des dépenses, le gouvernement a maintenu sa proposition de contrôler les dépenses courantes, avec une augmentation de 4% par rapport à l’année précédente. Cela reflète une hausse des programmes de protection sociale et le prolongement de l’allocation sociale unique (ZAR 350 par personne) mise en place pendant la pandémie. Pour le moment, cette subvention de ZAR 350 n’a été étendue que jusqu’en mars 2023, pour un coût total estimé à ZAR 44 mds (0,7% du PIB). La stratégie de consolidation des dépenses dépend principalement du contrôle des salaires du secteur public (qui représentent près de 35% des dépenses courantes totales) et d’un évitement des transferts supplémentaires en soutien des entreprises publiques. Il demeure en effet essentiel de contenir ces dépenses car le coût du service de la dette reste la dépense qui croît le plus rapidement (+12% par an en moyenne en 2022/23 et 2023/24), dépassant largement le taux de croissance prévu du PIB nominal.
Une dynamique d’endettement inquiétante et une hausse du risque de refinancement
Malgré la hausse de l’inflation, la dette publique devrait atteindre plus de 75% du PIB. Un tel ratio d’endettement sera difficile à stabiliser malgré un déficit budgétaire primaire modéré (hors charges d’intérêts) et des prévisions qui appellent à un retour à l’équilibre budgétaire à partir de l’exercice 2023/2024.
Le risque de refinancement est modéré à court terme, atténué notamment par la structure de la dette : la maturité moyenne est de 12 ans, seulement 10% de la dette totale est libellée en devises étrangères et la part de la dette en devise locale détenue par les non-résidents est de 28% (contre près de 38% fin 2018) (graphique9). Néanmoins, les besoins de financement fiscal avoisineront 20% du PIB au cours de l’exercice 2022/23. De plus, les conditions et la dynamique du marché obligataire sont plutôt défavorables. Le pays bénéficiera toujours du soutien des créanciers multilatéraux, à l’image du prêt de USD 750 millions accordé par la Banque mondiale début 2022. Néanmoins, l’Afrique du Sud n’a traditionnellement par recours à de telles institutions et la dépendance à l’égard de ces créanciers concessionnels devrait rester très limitée dans le temps et de faible portée.
Pour couvrir leurs besoins de financement, les autorités prévoient surtout de recourir au marché obligataire domestique. Cela financera 78% du financement total au cours de l'exercice 2022/23, tandis que les prélèvements sur les dépôts et les réserves de trésorerie représenteront environ 22 % du total.
Sur le marché obligataire domestique, la courbe des rendements est plus élevée qu’avant la pandémie, ce qui indique des coûts d’emprunt plus élevés sur toutes les échéances, et elle s’est pentifiée, avec des rendements à court terme ayant chuté davantage que les rendements à long terme en 2020 : la courbe des rendements est depuis restée plus prononcée (graphique 10). Cela implique pour le gouvernement un arbitrage pour couvrir ses besoins de financement, avec un compromis entre contenir le coût de la dette publique (en choisissant des échéances à court terme) et contenir le risque de refinancement (en conservant autant que possible les échéances à long terme).
En parallèle, les spreads de crédit de la dette sud-africaine libellée en devises étrangères ont fortement augmenté et restent bien au-dessus de leur niveau datant de l’épidémie. Le 12 avril dernier, la dernière émission d’euro-obligations d’Afrique du Sud a montré que les conditions de marché s’étaient nettement détériorées.
Enfin, l’augmentation des coûts des financements domestiques et externes et la charge croissante des paiements d’intérêts dans le budget national reflètent l’augmentation du risque souverain.
Le risque de refinancement pourrait donc progressivement augmenter à moyen terme. L’écart important entre les taux d’intérêt réels et la croissance du PIB alimente un effet boule de neige négatif, qui pourrait encore se détériorer à court terme (graphique 12). Les intérêts sur la dette sont déjà passés d’environ 9% des revenus après la crise financière de 2010 à plus de 18% des revenus en 2021, et ils devraient continuer à augmenter à mesure que la politique monétaire se durcira.