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Eco Emerging // 2 trimestre 2022
economic-research.bnpparibas.com
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ROUMANIE
DU DIFFICILE DOSAGE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES
L’économie roumaine a fortement ralenti au S2 2021, l’accélération de l’inflation ayant entraîné une baisse du pouvoir
d’achat des salariés pour la première fois depuis 2010. Pour autant, la croissance est restée déséquilibrée et l’endet-
tement public et privé s’est alourdi entre 2019 et 2021. Le resserrement monétaire est intervenu trop tardivement en
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021 et demeure très mesuré depuis le début de l’année. Le choc externe du conflit en Ukraine ne peut qu’accentuer
le ralentissement de la croissance. Le coût de l’accueil des réfugiés retardera l’assainissement budgétaire. C’est à la
politique monétaire qu’il incombe de veiller à la stabilité financière dans les circonstances exceptionnelles actuelles.
A CROISSANCE S’ESSOUFFLE ET RESTE DÉSÉQUILIBRÉE
PRÉVISIONS
La reprise de l’économie roumaine marque le pas. Après un rebond de
la mi-2020 à la mi-2021, le PIB a nettement ralenti au T3 pour stagner
2
019
2020
2021 2022e 2023e
au T4. Contrairement aux autres pays d’Europe centrale membres
de l’Union européenne, la demande domestique s’est affaiblie. La
contribution des échanges extérieurs est redevenue positive en
raison principalement d’une contraction des importations. En termes
de contribution, le freinage de la consommation des ménages est la
cause principale du ralentissement. D’une part, la progression des
salaires a été modérée (de 8,1% en g.a. fin 2020 à 7,1% fin 2021) quand,
dans le même temps, l’inflation accélérait violemment (de 2,1% en
décembre 2020 à 8,2% en décembre 2021). La forte augmentation des
cas de contaminations de janvier à septembre a également affecté la
confiance des ménages.
PIB réel, variation annuelle, %
Inflation, IPC, moyenne annuelle, %
Solde budgétaire, % du PIB
Dette publique, % du PIB
4.1
3.8
-3.4
2.6
5.8
5.0
1.5
10.0
-6.9
53.0
-7.0
55.0
36.0
4.2
3.0
5.0
-4.4
35.3
-4.6
49.2
31.7
4.5
-9.3
47.3
-5.2
57.7
36.2
5.6
-8.0
50.5
-6.2
56.0
37.1
4.9
-6.6
55.6
-6.5
52.0
36.0
4.0
Solde courant, % du PIB
Dette externe, % du PIB
Réserves de change, mds EUR
Réserves de change, en mois d'imports
E: ESTIMATIONS ET PRÉVISIONS
TABLEAU 1
SOURCE : BNP PARIBAS RECHERCHE ECONOMIQUE GROUPE
Le ralentissement masque cependant une croissance qui reste
déséquilibrée, avec un recul des exportations et de l’investissement
en partie compensé par la consommation privée et les dépenses
courantes des administrations publiques. L’endettement, privé et
surtout public, s’est alourdi. En 2021, les crédits aux particuliers ont
progressé sensiblement plus vite que les salaires nominaux (11%
contre 7%) et l’écart entre la croissance des crédits aux entreprises et
la croissance nominale du PIB est encore plus important (21% contre
ROUMANIE : RATIO ENTRE SALAIRE NET MOYEN ET INFLATION
110
100
1
0%). Heureusement, au cours de la période 2015-2020, ces écarts
étaient largement inversés de sorte que les taux d’endettement avaient
sensiblement baissé.
9
8
7
6
0
0
0
0
En revanche, le ratio de dette publique est bien plus élevé qu’il ne
l’était au milieu des années 2010. Certes, la récession et le plan de
soutien de 2020 en sont largement responsables. Néanmoins, en 2021,
le déficit du budget des administrations publiques était trop élevé pour
stabiliser le ratio de dette malgré un écart positif entre la croissance
nominale et les rendements des obligations souveraines. Par ailleurs,
le déficit du compte courant, que l’épisode récessif de 2021 n’avait
même pas permis de réduire, a continué de se dégrader pour atteindre
près de 8% du PIB au S2 2021.
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
GRAPHIQUE 1
SOURCE : INS
Fin 2021, les déficits jumeaux dépassaient donc largement les seuils
d’alerte. Leur couverture est pour l’instant assurée grâce à un sur- 2021) pour financer les déficits budgétaires. Elle représente environ
croît d’épargne domestique (le ratio de dépôts sur les crédits dans les 45% de la dette publique totale contre environ 40% fin 2019.
banques était de 109% en septembre 2021 contre 104% fin 2019, ce qui
correspond à des ressources supplémentaires de 2% du PIB entre les
LES FREINS À LA CROISSANCE VONT PERSISTER
deux dates), ainsi qu’aux financements de l’UE et aux investissements
directs étrangers (3% du PIB chacun). La liquidité extérieure n’est pas La guerre en Ukraine n’a pas eu d’impact négatif sur le taux de change,
une source d’inquiétude car les métriques usuelles (ratios de couver- le lei (RON) étant resté pratiquement stable contre l’euro depuis la
ture des importations et de la dette extérieure à court terme par les ré- mi-février 2022. En revanche, les rendements des obligations souve-
serves de change) restent satisfaisantes. Toutefois, la dette extérieure raines en monnaie locale se sont tendus de 140 points pour atteindre
des administrations publiques a très sensiblement augmenté depuis 6,8% sur les maturités à 10 ans. La hausse est 2,7 fois supérieure à celle
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019 (de EUR 39,8 mds à 47,6 mds entre décembre 2019 et septembre des taux directeurs, reflet à la fois de la présence des investisseurs
La banque
d’un monde
qui change