La propagation internationale du coronavirus a provoqué une envolée de l’aversion au risque, qui traduit la crainte d’une sous-estimation possible des conséquences économiques à ce jour et crée un effet « d’accélérateur financier » pouvant, à son tour, contribuer à une détérioration des perspectives de croissance.
Si l’on se réfère aux calculs du FMI, l’épidémie n’a entraîné qu’une faible révision à la baisse de la croissance mondiale de 0,1 % pour cette année. Cependant, les données empiriques s’accumulent, montrant l’importance de l’impact sur les entreprises. Les prévisions de résultats ont été revues à la baisse, voire supprimées, en raison de l’absence de visibilité. Les analystes aussi ont revu à la baisse leurs anticipations de bénéfices. Certaines entreprises ont annoncé des mesures de réduction des coûts pour limiter l’impact sur leurs résultats. Ces évolutions propres aux entreprises viennent alimenter les craintes d’une sous-estimation de l’impact macroéconomique global. Paolo Gentiloni, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, a déclaré, et cela en dit long, qu’il est encore trop tôt pour évaluer pleinement l’impact du coronavirus.
La forte hausse de l’aversion au risque parmi les investisseurs pourrait également être due à l’inquiétude grandissante liée au risque de perte extrême (tail risk). Des évolutions peu probables finissent ainsi par modifier de façon disproportionnée les comportements. Il en va de même de l’attitude des consommateurs. Leurs inquiétudes liées à l’infection seraient telles que l’on pourrait assister, par mesure de précaution, à un repli de la demande. Cette réaction (« la sécurité d’abord ! ») crée un décalage entre le nombre d’infections et l’impact macroéconomique. Ce risque revêt une importance particulière pour le secteur du tourisme, les gens s’abstenant de voyager, y compris pour raisons professionnelles, non du fait de contraintes de revenu mais par peur pour leur santé ou en raison de l’annulation de conférences internationales pour ces mêmes motifs. Cela peut, à son tour, avoir des effets indirects sur d’autres secteurs[1]. Les préoccupations liées à la santé peuvent également affecter l’offre, notamment lorsque les employés doivent rester chez eux en quarantaine, pour eux-mêmes ou leurs enfants, même si, et il convient de le rappeler, dans de nombreux secteurs les technologies de l’information et de la communication permettent le télétravail, limitant ainsi, quelque peu, cet effet[2]. Enfin, les évolutions sur les marchés financiers pourraient jouer un rôle d’accélérateur et contribuer à la détérioration des perspectives de croissance. Si les entreprises sont dans l’incapacité de produire ou d’expédier leur production, ou si elles sont confrontées à une baisse de la demande, des tensions peuvent apparaître en termes de besoin en fonds de roulement. C’est ce que l’on observe de plus en plus en Chine. Une chute des bénéfices peut entraîner une dégradation de la notation, faisant ainsi grimper les coûts de financement. Ces derniers peuvent également augmenter lorsque les investisseurs se détournent du marché des obligations d’entreprise, entraînant un élargissement significatif du spread, comme ce fut le cas cette semaine.