Le vieillissement de la population et la baisse de celle en âge de travailler réduit la force de travail disponible et peut également freiner l’accumulation du capital. Ainsi, ces dynamiques démographiques, à politique et dynamique de productivité inchangées, affectent négativement la croissance économique à court et à moyen terme. Selon certaines estimations, la croissance potentielle de la zone euro serait peu allante dans les années à venir, autour de 1,4%[23]. Elle resterait toutefois plus élevée que la croissance potentielle japonaise (estimée aux alentours de 0,5% à moyen terme).
A la moindre vitalité démographique s’ajoute le ralentissement de la productivité comme frein à la croissance à long terme.
Si certaines approches tablent sur un ralentissement temporaire des gains de productivité, d’autres, plus pessimistes, anticipent un affaiblissement structurel de la croissance de la productivité[24].
Enfin, par une approche axée sur la demande, la zone euro pourrait être durablement affectée par le ralentissement structurel du commerce mondial (graphique 18). Le moindre dynamisme du commerce depuis la fin de l’année 2018 s’inscrit dans un ralentissement de plus long terme du commerce sous l’effet de différents facteurs (essoufflement de la fragmentation des chaînes de valeur, pause dans l’intégration commerciale mondiale, moindre intensité en commerce de la croissance économique qui s’oriente davantage vers les services et la consommation, etc.).
Compte tenu d’un taux d’ouverture (ratio des exportations sur le PIB en valeur) de près de 50%, la zone euro est directement concernée par ces dynamiques.
Le défi de l’approfondissement du cadre institutionnel de la zone euro
Le profil de la croissance de la zone euro à moyen terme dépendra de sa faculté à répondre au prochain choc auquel elle devra faire face. Les autorités devront éviter les mêmes erreurs commises dans le passé en termes de politique économique. Sur le plan monétaire par exemple, un resserrement trop brutal ou rapide, à l’image de celui opéré en 2011, risquerait de fragiliser davantage la zone euro. Sur un autre plan, la politique budgétaire devra davantage jouer son rôle contracyclique que lors par exemple de la crise de 2012. A cette date, la zone euro au niveau agrégé a procédé à un ajustement structurel primaire alors même que la croissance n’était pas encore de retour.
A ce stade, la question du manque de marges de manœuvre à la fois monétaires et budgétaires se pose. Désormais contrainte, il apparaît difficile pour la Banque centrale européenne d’intervenir de nouveau massivement, à l’image de la Banque du Japon dont le bilan, rappelons-le, atteint près de 100% du PIB du pays. Du côté budgétaire, les règles européennes empêcheraient une approche suffisamment souple en cas de retournement de l’activité. Si la dette globale de la zone euro tend à diminuer depuis fin 2014, elle reste toutefois élevée dans plusieurs pays membres. Parachever l’architecture de la zone euro apparaît ainsi comme le meilleur moyen d’éviter l’impact prolongé d’un nouveau retournement sur l’économie de la zone euro. En particulier, l’approfondissement de l’intégration budgétaire au niveau de la zone euro, via la mise en place d’un outil de stabilisation macroéconomique, apparaît nécessaire[25]. Couplé à la poursuite des efforts de consolidation budgétaire en phase d’expansion, cet outil permettrait un policy-mix plus équilibré et renforcerait l’impact de la politique monétaire. Eviter l’enlisement dans un scénario japonais nécessiterait donc une approche coordonnée, solidaire et disciplinée entre les Etats membres de la zone euro.
Le débat autour du « syndrome japonais » en zone euro n’est pas clos. Cet article tend à dresser globalement un profil macroéconomique de la zone euro en mettant en avant les similitudes et différences avec le cas japonais. Inéluctable ou non, la matérialisation d’une « japonisation » de la zone euro aurait bien sûr des conséquences économiques importantes. Une croissance effective durablement inférieure à son potentiel pourrait par exemple induire une spirale déflationniste, qui serait à son tour néfaste à la dynamique de croissance. Par ailleurs, le contexte actuel de taux bas pourrait durer et des voix s’élèvent déjà pour en souligner les effets de bords négatifs. D’un point de vue macroéconomique, la faiblesse des taux d’intérêt peut biaiser la perception du risque, déstabiliser l’équilibre entre l’épargne et l’investissement ou favoriser le financement d’activités faiblement productives. Cette situation pourrait durer compte tenu des faibles pressions inflationnistes, qui elles-mêmes posent des questions sur l’action à adopter par la banque centrale. L’ensemble de ces mécanismes mériteraient d’être abondamment creusés et nous y apporterons donc une vigilance toute particulière.
[23] Estimations FMI