Aux États-Unis, le désendettement des ménages, les emprunts hypothécaires à taux fixe l'amélioration des revenus sur les produits financiers en lien avec la hausse des taux d’intérêt et des dividendes, conjugués à l'amélioration du patrimoine net des ménages ont contribué à la résilience des ménages dans un environnement de rapide resserrement monétaire. Néanmoins, une certaine prudence s'impose. Par nature, les données agrégées ne rendent pas compte de l'hétérogénéité de la situation financière des ménages. Dans un environnement où les taux restent élevés plus longtemps que prévu, il faudra suivre de près la catégorie la plus fragile car une détérioration importante des finances de ces ménages pourrait avoir des effets indirects sur l'économie américaine dans son ensemble.
Face à la politique de resserrements monétaires rapides et massifs menée par la Réserve fédérale (Fed), l’économie américaine a fait preuve d'une étonnante résilience.
La consommation des ménages - soutenue par la réduction des excédents d'épargne accumulés au cours de la pandémie, le rythme des créations d'emplois et la forte progression des salaires - a joué un rôle important.
La situation financière des ménages y a également contribué. Malgré la forte hausse des taux d’intérêt sur les emprunts hypothécaires et les crédits par carte bancaire, le service de la dette - qui comprend le remboursement du principal - en pourcentage du revenu disponible est resté stable ces dernières années (graphique 1).
Cela reflète l’effet positif du désendettement des ménages. De fait, après avoir atteint un pic à 100 % au premier trimestre 2009, l'endettement des ménages en pourcentage du PIB a suivi une tendance baissière - baisse qui a connu une brève interruption du fait de la chute du PIB pendant la pandémie - pour atteindre 73,5 % au troisième trimestre 2023, dernière période pour laquelle nous disposons de données (graphique 2).
Cette situation contraste fortement avec celle qui prévalait avant les récessions de mars 2001 et décembre 2007.
Le ratio du service de la dette sur PIB avait alors significativement augmenté. La résilience des ménages a également bénéficié du fait que la majeure partie de la dette hypothécaire a été contractée à taux fixe.
Sur la base des données de l'enquête sur les finances des consommateurs, réalisée par la Fed en 2019, « environ 40 % des ménages américains ont souscrit à un emprunt hypothécaire, dont 92 % sont à taux fixe ; les 8 % restants étant assortis de taux variables ».[1]
Cette situation protège les ménages contre la hausse des taux hypothécaires. En conséquence, une hausse de taux a des effets, pour l’essentiel, sur la demande de nouveaux emprunts hypothécaires.[2]
L'analyse de la transmission de la politique monétaire à l’économie tend à se concentrer sur l'impact négatif de la hausse des taux d’intérêt. Or, des taux élevés se traduisent aussi par de meilleurs revenus financiers et, comme le montre le graphique 3, cette augmentation des taux a beaucoup protégé les ménages de l’impact de la hausse de la charge d'intérêt sur la dette non hypothécaire.[3] Par ailleurs, le patrimoine net des ménages a fortement augmenté depuis le plongeon de 2022, et il atteint un niveau record. En termes réels, le patrimoine des ménages américains a connu une forte baisse en 2022, avec un bond de l'inflation, avant de repartir à la hausse (graphique 4). Signe de la résilience de l'économie, le revenu des dividendes des ménages a poursuivi sa forte progression entamée juste après la pandémie (graphique 5).
En conclusion, le désendettement des ménages, les emprunts hypothécaires à taux fixe, l'amélioration des revenus sur les produits financiers en lien avec la hausse des taux d’intérêt et des dividendes, conjugués à l'amélioration du patrimoine net des ménages ont contribué à la résilience des ménages dans un environnement de rapide resserrement monétaire. Néanmoins, une certaine prudence s'impose. Par nature, les données agrégées ne rendent pas compte de l'hétérogénéité de la situation des ménages. Certains d'entre eux tirent avantage de la hausse des taux d’intérêt, tandis que d'autres sont pénalisés. La Réserve fédérale en a, bien sûr, pleinement conscience. Dans son dernier rapport sur la stabilité financière, elle souligne que « la situation financière de certains emprunteurs demeure fragile, et les taux de défaillance sur les crédits automobiles et les crédits par carte pour les emprunteurs à risque ont augmenté »[4], même s'il convient de préciser que ces taux de défaillance demeurent historiquement faibles (graphique 6). Dans un environnement où les taux restent élevés plus longtemps que prévu, il faudrait suivre de près la catégorie la plus fragile financièrement[5]. En effet, une forte détérioration de leur situation pourrait avoir des effets indirects sur l'économie américaine dans son ensemble.