Lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion du FOMC la semaine dernière, Jerome Powell a été on ne peut plus clair. Compte tenu des deux objectifs du Comité — inflation et emploi maximum — les données plaident pour un relèvement des taux d’intérêt dès le mois de mars et probablement plusieurs hausses de taux par la suite. Les décisions s’appuieront « sur les données disponibles et sur l’évolution des perspectives ». Cette dépendance aux données traduit la crainte d’un resserrement excessif et rend la politique monétaire difficile à prévoir. Plus vite la Fed donnera des tours de vis, plus la probabilité qu’elle fasse une pause pour voir comment l’économie réagit sera grande.
14,3 % contre 0,25 %. Plus que toute autre mesure, l’écart entre ces deux chiffres est le signe que la politique monétaire américaine doit être entièrement révisée. Le premier est celui de l’augmentation, en rythme annuel, du PIB nominal des États-Unis au quatrième trimestre 2021. Le deuxième correspond à la limite supérieure de la fourchette cible actuelle des fonds fédéraux (Fed funds).
Certes, le taux de croissance du PIB nominal ne suffit pas à évaluer l’orientation d’une politique monétaire. Cependant, ce chiffre et sa décomposition (croissance réelle de 6,9 % en rythme annuel, et inflation — basée sur le déflateur du PIB — de 6,9 %) n’en reflètent pas moins la vigueur du cycle économique aux États-Unis et une inflation à un niveau trop élevé.
Le rythme des hausses de prix pèse non seulement sur la confiance des ménages, dont il ampute le pouvoir d’achat, mais il est également devenu un sujet politique susceptible d’influencer les élections de mi-mandat, qui auront lieu le 8 novembre. Lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion du FOMC, la semaine dernière, Jerome Powell a été on ne peut plus clair : « Devant les progrès remarquables observés sur le marché du travail et une inflation bien supérieure à notre objectif de 2 % à long terme, des niveaux durablement élevés de soutien de la politique monétaire à l’économie ne se justifient plus. »1 En d’autres termes, il faut s’attendre à une hausse du taux des Fed funds, dès la réunion du FOMC en mars2.
De plus, pour durcir encore davantage son message, le président de la Fed a insisté sur la plus grande robustesse de l’économie et du marché du travail, sans oublier les niveaux de l’inflation beaucoup plus élevés qu’au début du cycle de hausse des taux précédent, en 2015. « Ces différences auront vraisemblablement des conséquences importantes sur le rythme approprié d’ajustement de la politique monétaire », ce qui signifie une accélération des hausses des taux et/ou des augmentations de 50 pb3.
Pour ce qui est de la diminution du caractère accommodant de la politique monétaire, la réduction de la taille du bilan (resserrement quantitatif, QT) ne jouera qu’un rôle secondaire. Le FOMC considère que « le taux cible des Fed funds [constitue] le principal moyen d’ajustement de l’orientation de la politique monétaire » permettant une diminution prévisible de la taille du bilan.
Cela reflète l’idée selon laquelle les conséquences des hausses de taux sont plus faciles à estimer que celles du resserrement quantitatif.
Comme il fallait s’y attendre, les rendements obligataires sont repartis à la hausse — le taux à 2 ans augmentant légèrement plus que le taux à 10 ans (graphique 1), les marchés actions se sont repliés — plus sensible aux taux, le Nasdaq a reculé davantage que le S&P500 (graphique 2), et le dollar s’est apprécié (graphique 3).
Le message est clair : les taux seront relevés et les hausses vont, selon toute vraisemblance, s’enchaîner rapidement. Pour autant, l’incertitude entourant les perspectives de politique monétaire n’en reste pas moins élevée, qu’il s’agisse du rythme des tours de vis monétaires ou du taux terminal de ce cycle de hausse des Fed funds. Il n’y a là rien de nouveau. Au début d’un cycle de relèvement des taux, les mêmes questions reviennent encore et encore.
Aujourd’hui, cependant, l’inflation est en partie due à des ruptures d’approvisionnement, ce qui complique l’analyse.
Les goulets d’étranglement de l’offre devraient être temporaires. La production devrait reprendre et les problèmes logistiques, auxquels sont confrontées les chaînes d’approvisionnement, devraient finir par se régler. Les tensions inflationnistes devraient ainsi s’alléger.
De plus, un niveau élevé d’inflation provenant du côté de l’offre de l’économie devrait peser sur la demande et réduire ainsi le déséquilibre entre cette dernière et l’offre4. Par ailleurs, comme l’a souligné J. Powell, la croissance de la demande devrait également être influencée par la nette réduction des incitations de politique budgétaire.
D’autre part, le niveau élevé de l’inflation s’est désormais généralisé5 et la croissance des salaires s’accélère en raison de pénuries persistantes de main-d’œuvre.
Les prix devraient ainsi être poussés à la hausse : confrontées à une forte demande, les entreprises pourront plus facilement appliquer des prix plus élevés dans un contexte d’accroissement des coûts salariaux et non salariaux.
Cela justifie un resserrement de la politique monétaire, auquel le marché du travail devrait être en mesure de faire face. « Je pense qu’il existe une bonne marge de manœuvre pour relever les taux d’intérêt sans que cela ne menace le marché du travail. Les tensions sur ce marché ont, à bien des égards, atteint des niveaux records historiques. »6
Pour conclure, le FOMC estime que compte tenu de ses deux objectifs — inflation et emploi maximum — et au vu des données, un relèvement des taux d’intérêt à compter du mois de mars et une accélération des hausses de taux par la suite sont justifiés. Il s’appuiera, ce faisant, « sur les données disponibles et sur l’évolution des perspectives ». Cette dépendance aux données traduit la crainte d’un resserrement excessif et rend la politique monétaire plus difficile à prévoir. Plus vite la Fed donnera des tours de vis, plus la probabilité qu’elle fasse une pause pour voir comment l’économie réagit sera grande.