Ce sera, en effet, une question-clé dans les prochains mois pour les marchés, les ménages, les entreprises et, bien sûr, pour la BCE dans la mesure où cela déterminera la possibilité d’un ré-ancrage des anticipations d’inflation à un niveau plus élevé. Mario Draghi l’a souligné lors de la conférence de presse : ce n’est pas que les anticipations d’inflation ne soient plus ancrées, mais plutôt qu’elles se soient ré-ancrées à un niveau trop bas par rapport à l’objectif d’inflation de la BCE.
En théorie, et compte tenu de l’environnement actuel, un certain scepticisme se justifie. Cette question a déjà été abordée dans des contributions antérieures[2]. Par ailleurs, quels que soient les effets positifs que devrait avoir, dans l’ensemble, la politique actuelle, les inquiétudes relatives à ses effets négatifs augmentent : le marché immobilier dans certains pays est en surchauffe ?; les taux négatifs affectent les fonds de pension et les compagnies d’assurance?; certains ménages peuvent décider d’épargner plus et de dépenser moins, estimant que lorsque les rendements obligataires sont faibles à négatifs, l’accumulation de richesse dépend du montant de l’épargne, plutôt que du réinvestissement de ce qui est devenu, en termes de rendement, un maigre revenu financier.
L’une des surprises de la conférence de presse a été l’insistance répétée du président de la BCE concernant les effets secondaires de cette politique monétaire, ce qui semble signifier que celle-ci arrive à son terme. L’autre surprise a été que Mario Draghi et ses collègues du Conseil des gouverneurs ont passé le relais aux gouvernements et à la politique budgétaire : «?Les membres du Conseil estiment à l’unanimité que la politique budgétaire doit devenir le principal instrument pour soutenir la croissance?», «?Il est grand temps que la politique budgétaire prenne sa part?», «?Avec une politique budgétaire appropriée, le package monétaire fera plus rapidement la preuve de son efficacité?».
Cet appel prend, d’une certaine manière, des accents tragiques : comme l’a expliqué le président de la BCE, la politique monétaire a joué un rôle crucial dans la mise en place d’un environnement qui a permis la création de 11 millions d’emplois. Elle a également contribué à une solide accélération de la croissance des salaires avec la baisse du taux de chômage. Cependant, la phase ultime n’a pas réellement eu lieu : la transmission entre la croissance plus forte des salaires et la hausse de l’inflation s’est interrompue en raison du choc négatif de la demande, lié à la Chine et au commerce international, et de l’incertitude entourant les droits de douane et le Brexit. Les gouvernements sont donc appelés à intervenir, tout au moins ceux des pays disposant d’une marge de manœuvre budgétaire. Il reste à savoir maintenant si cet appel sera entendu.