Nouveaux records
Alors que le S&P 500 atteignait de nouveaux sommets, les rendements des Treasuries reculaient, sous l’effet conjugué de la révision des perspectives concernant la trajectoire de la politique monétaire et des nouveaux replis de la prime de terme. D’après les calculs de la Réserve fédérale de New York, cette prime, que les investisseurs sont censés percevoir au titre du risque de duration, a atteint un plus bas record de -90 points de base au début du mois de juillet. Comme le montrent les graphiques, la baisse des rendements des obligations américaines a, et c’est assez compréhensible, reproduit la chute de l’Indice des directeurs d’achat (ISM) pour le secteur manufacturier. La coïncidence entre un record de hausse pour le marché actions et un record de baisse de la prime de terme crée un certain inconfort : le repli des rendements obligataires reflète une inquiétude à l’égard des perspectives économiques, de sorte qu’on peut se demander combien de temps encore le marché actions sera épargné. Le recul des rendements américains s’est accompagné d’un repli considérable des rendements du Bund, en territoire négatif, ainsi que des rendements sur les autres marchés obligataires de la zone euro. Outre la corrélation transatlantique habituelle, la modification du message envoyé par la BCE, à l’occasion du discours de son président à Sintra fin juin, a joué un rôle décisif : il faut s’attendre à un nouvel assouplissement de la politique monétaire.
Des inquiétudes sur la croissance grandissantes
Aux Etats-Unis, après le soulagement suscité par les données du premier trimestre, les préoccupations relatives à la croissance sont reparties à la hausse. Certes, le rythme des créations d’emplois reste, globalement, soutenu mais l’investissement marque le pas. Les signaux envoyés par le marché (inversion de certaines parties de la courbe de taux) ou les enquêtes auprès des entreprises, font craindre une récession. Les Etats-Unis ont beau être entrés dans leur 121e mois d’expansion, l’heure n’est plus aux réjouissances. Dans la zone euro, le secteur manufacturier, en particulier en Allemagne, reste sous pression, tandis que les services continuent d’afficher une bonne tenue. En France, on note une certaine amélioration.
Dans les pays émergents, le ralentissement de la croissance se poursuit et risque même de s’accentuer d’ici à la fin de l’année. La guerre des droits de douane entre les Etats-Unis et la Chine n’a fait qu’aggraver le retournement à la baisse des échanges commerciaux intra-asiatiques, initié courant 2018.
Malgré les annonces de poursuite/relance des négociations, la demande extérieure restera un frein puissant à la croissance des pays émergents non seulement en Asie mais aussi en Amérique latine, en Afrique et au Moyen-Orient. D’ailleurs, les prix des métaux et du pétrole sont, en tendance, orientés à la baisse depuis, respectivement, la mi-2018 et le dernier trimestre 2018, et les prix des matières premières agricoles sont, en moyenne, toujours étals depuis la mi-2015. La convalescence difficile de nombre de pays producteurs de matières premières risque donc de se prolonger.
La reconduction de l’accord OPEP+ témoigne de la situation compliquée des pays producteurs de pétrole.
A l’exception des pays d’Europe centrale, il ne faut pas trop compter sur le soutien de la demande intérieure notamment chez les poids lourds (Chine, Inde, Brésil, Russie, Mexique, Turquie, Afrique du Sud, pays du GCC dans leur ensemble). D’une part, la politique monétaire y est, au mieux, très prudente. D’autre part, les marges de manœuvre budgétaires existent seulement en Chine, en Russie, en Turquie et dans les pays du GCC mais leur utilisation n’est pas sans conséquence, soit sur la dynamique de la dette (Arabie Saoudite), soit sur la stabilité financière (Turquie). Elles seront donc utilisées avec parcimonie.
Point de bascule
La question qui se pose pour les prochains mois est de savoir si on se dirige vers un point de bascule. Les fondamentaux (marché du travail, progression du revenu, croissance bénéficiaire des entreprises, taux d’intérêt) sont, dans l’ensemble, toujours satisfaisants, mais une période prolongée d’incertitude pourrait en limiter l’influence sur la croissance, ce qui pourrait à son tour peser sur la confiance et le comportement du marché et déclencher une boucle de rétroaction négative. La diminution de l’incertitude aurait manifestement pour effet de stimuler la confiance et de susciter un rebond de la croissance. Les négociateurs commerciaux devraient avoir cela à l’esprit lors de leur prochaine réunion.