Cette approche graduelle devrait laisser le temps aux ménages et aux entreprises d’adapter leur comportement et de financer les investissements nécessaires (chauffage, moyens de transport, processus de fabrication). Elle implique que la hausse cumulée de la taxe carbone dépende de la sensibilité-prix de la demande en biens et services à haute intensité de carbone. Plus cette sensibilité serait élevée, moins il serait nécessaire d’augmenter la taxe carbone.
Dans l’idéal, une telle approche devrait être adoptée au plan mondial, mais l’expérience montre combien il est difficile de parvenir à un accord large et de s’y tenir[3].
Cela signifie que des mesures individuelles, appliquées par un seul pays, nuiraient à la compétitivité de ses entreprises et auraient pour effet d’inciter d’autres pays à ne rien faire. Pour remédier à ce problème de coordination, les signataires préconisent la mise en place d’un dispositif d’ajustement carbone à la frontière, aux termes duquel les exportations vers des pays qui n’appliquent pas de taxes carbone bénéficieraient d’un rabais, tandis que les importations en provenance de ces pays seraient taxées à l’entrée du territoire[4][5]. Il est à craindre, cependant, que les autres pays, considérant la taxe carbone sur les importations comme une mesure protectionniste n’ayant que peu de rapport avec le changement climatique, ne ripostent par des mesures de représailles.
Les signataires insistent, par ailleurs, sur la nécessité d’une neutralité fiscale en vue d’éviter le débat sur la taille de l’État ; ainsi « toutes les rentrées générées par la taxe devraient être directement reversées aux citoyens américains sous forme de rabais forfaitaires égaux ». Comme l’empreinte carbone des ménages les plus aisés est probablement plus forte que celle des ménages se situant dans le bas de l’échelle de distribution des revenus, un rabais forfaitaire impliquerait pour ces derniers une augmentation du revenu disponible étant donné qu’un tel rabais serait d’un montant supérieur aux taxes carbone. Cela pourrait créer, chez ces ménages, une incitation à investir dans l’efficacité énergétique ou, tout au moins, faciliter ce type de démarche.
On peut soutenir, néanmoins, que la neutralité fiscale est affaire de jugement. Le gouvernement pourrait estimer qu’il a un rôle important à jouer dans la promotion de l’efficacité énergétique et affecter une part des recettes liées à la taxe carbone au financement de ses propres investissements verts (par exemple en augmentant l’efficacité énergétique des bâtiments publics et des écoles). Ces rentrées fiscales pourraient aussi être utilisées pour traiter les aspects redistributifs liés à la taxation verte, par exemple en allouant des aides à l’investissement dans l’efficacité énergétique aux ménages financièrement contraints.
À l’évidence, ces autres approches sont moins faciles à expliquer qu’un rabais forfaitaire pour chaque ménage. Quelle que soit la complexité de leur mise en œuvre, les recommandations contenues dans la déclaration des économistes ont au moins le mérite d’indiquer une direction qui permettrait d’accomplir des progrès considérables
en termes de réduction des émissions de carbone, à l’initiative d’un seul pays, sans perdre un temps considérable à régler le problème de la coordination au niveau international, et avec l’avantage supplémentaire de prendre également en compte les aspects redistributifs.