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Hongrie : L'investissement, une stratégie pour relancer la croissance

22/11/2024
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En 2024, la Hongrie devrait figurer parmi des économies les moins performantes de la région avec une entrée en récession technique au T3. La croissance du PIB fait partie des priorités du gouvernement dont l’objectif officiel est 3% à 6% l’an prochain. Le budget pour 2025 récemment soumis au Parlement vise à la fois à redynamiser l’économie et à consolider les comptes publics. Toutefois, la croissance potentielle à moyen terme, estimée à 3% par le FMI, a été revue à la hausse par rapport son estimation de 2019. Elle est notamment portée par les bonnes perspectives en matière d’IDE, notamment ceux en provenance de Chine, qui viendraient soutenir l’investissement.

Priorité à la croissance en 2025

PRÉVISIONS

Contre toute attente, la Hongrie est entrée en récession technique au T3 2024 avec un recul du PIB de 0,7% t/t après -0,2% t/t au T2. Le détail des comptes nationaux n’a pas encore été publié mais l’investissement et la demande extérieure devraient y avoir largement contribué. L’investissement, en berne depuis septembre 2022, a reculé sensiblement au cours des derniers trimestres (-13,3% en g.a. au T2, -8,6% au T1), et de manière plus prononcée dans que les pays voisins. Par ailleurs, l’activité industrielle pâtit de l’affaiblissement de l’économie allemande.

En revanche, la consommation, qui se redresse depuis deux trimestres, a bien résisté grâce probablement à la progression forte des salaires réels (+10,2% en g.a. en moyenne sur les huit premiers mois de l’année), à la bonne tenue des ventes au détail et à l’amélioration des enquêtes sur les intentions d’achats de biens durables. Au T3, avec un acquis de seulement 0,6%, la croissance sera faible cette année après -0,8% en 2023.

EUROPE CENTRALE : PROGRESSION DE L’INVESTISSEMENT EN VOLUME

Pour 2025, la croissance économique est clairement affichée comme une priorité pour le gouvernement Orban avec un objectif de 3% à 6%. Les mesures de soutien visant à redynamiser l’économie, dont les détails ne sont pas encore connus, vont se concentrer sur l’accès aux logements, la convergence du salaire minimum vers le salaire moyen et le soutien aux PME. De même, les ménages peuvent désormais faire appel à leur fonds de retraite pour financer des projets immobiliers (achat de logement, rénovation).

En tout état de cause, la fourchette haute semble difficilement atteignable sans une enveloppe budgétaire conséquente. Hormis la consommation, les autres relais de croissance sont limités. Le rebond modéré de l’économie allemande prévu en 2025 ne laisse espérer qu’une timide embellie de la demande extérieure. De même, le redressement de l’investissement sera probablement repoussé à 2026 compte tenu du maintien probable du blocage d’une partie des fonds européens qui servent à financer l’investissement public. La montée des incertitudes électorales sur la deuxième moitié de 2025 (élections législatives prévues d’ici avril 2026) devrait conduire au report des projets d’investissements privés.

Pressions inflationnistes haussières

L’inflation a sensiblement reflué ces derniers mois. Elle a atteint 3,2% en g.a. en octobre (le pic était de 25,6% en g.a. en janvier 2023). Elle est désormais légèrement supérieure à la cible de 3% de la Banque centrale et pourrait monter à 4% en g.a. d’ici décembre 2024. Les prix des biens alimentaires repartent à la hausse depuis peu. La désinflation dans le secteur des services se fait plus lentement. Les pressions salariales resteront soutenues à court terme en raison de la revalorisation attendue du salaire minimum à 50% du salaire moyen d’ici 2027. Cette augmentation se ferait par étapes, probablement au rythme de 10 à 15% par an. Les mesures fiscales portant sur les transactions financières, introduites en août, n’auront qu’un impact modéré sur l’inflation
totale, de l’ordre de +0,1 point cette année et de +0,2 à 0,3 point en 2025 selon les estimations de la Banque centrale. Le retour de l’inflation à sa cible n’est pas attendu avant 2026.

Une pause monétaire à court terme

L’assouplissement monétaire entamé en octobre 2023 s’est poursuivi sans interruption jusqu’en juillet. Une nouvelle baisse de 25 points de base (pb) a eu lieu en septembre 2024, portant le taux directeur à 6,5%. Le rythme d’assouplissement plutôt agressif au début du cycle, à raison de 50 à 75 pb à chaque réunion, a toutefois ralenti depuis juin dernier. En octobre dernier, la Banque centrale a de nouveau opté pour une pause monétaire qui devrait durer plus longtemps cette fois-ci. Cette nouvelle orientation s’explique par une inflation sous-jacente encore élevée (4,5% en g.a. en octobre) et supérieure à l’inflation d’ensemble. Les pressions baissières sur le forint hongrois ont sans doute pesé dans la décision de la Banque centrale.

Faible consolidation budgétaire

Les efforts de consolidation, menés depuis 2022, n'ont pas permis de réduire significativement le déficit budgétaire au cours des deux dernières années. La Hongrie, aux côtés de six autres pays de l’Union européenne, a été placée en procédure pour déficit excessif pour le non-respect des règles budgétaires de nouveau en vigueur cette année, après une courte période de suspension. En 2024, même si le déficit budgétaire devrait légèrement s’atténuer, il dépasserait largement les 3% du PIB en raison du poids encore élevé des charges d’intérêt de la dette (4,7% du PIB en 2023). Le coût de financement sur le marché obligataire est le plus élevé de la région avec un différentiel de rendement, par rapport aux titres de l’État allemand, de 444pb pour les obligations à 5 ans. Toutefois, l’État hongrois a eu recours aux marchés internationaux pour se financer à des taux d’intérêts plus faibles. À deux reprises, il a ainsi levé des fonds sur le marché japonais en 2024.

Pour 2025, une consolidation d’envergure est peu probable en raison des préoccupations concernant la croissance et le calendrier électoral (élections législatives prévues en 2026). Le budget pour 2025 table pour un déficit de 3,7% du PIB mais les projections de croissance économique à 3,4% sont a priori optimistes. La dette publique rapportée au PIB, à 73,4% en 2023, est la plus élevée d’Europe centrale. Elle devrait augmenter ces deux prochaines années, puis baisser graduellement pour repasser sous la barre des 70% (mais loin du seuil de 60%) à horizon 2029/2030, notamment grâce à un excédent primaire attendu à partir de 2027/2028.

La manne des IDE chinois

HONGRIE : VALEUR CUMULÉE DU STOCK
DES IDE CHINOIS PAR SECTEUR

La Hongrie a reçu l’équivalent de USD 119 mds en cumul sous forme d’investissements directs étrangers (IDE) fin 2023 selon les derniers chiffres de la CNUCED.

Dans la région, la Pologne arrive en tête avec un stock d’IDE d’une valeur de USD 335 mds, devant la République tchèque avec un montant de USD 216,6 mds. Toutefois, la Hongrie se place en deuxième position devant la Pologne quand les IDE sont rapportés au PIB.

En 2021 et en 2022, les flux nets d’IDE entrants ont atteint des records à respectivement 5,6% et 8,3% du PIB. En 2023, ils sont revenus au niveau des années pré-Covid mais un rebond de ces flux est attendu dans les prochaines années.

Dans l’ensemble, ces flux ont principalement concerné le secteur automobile et les services. Par ailleurs, on observe un changement dans la composition géographique des IDE en stocks avec une hausse importante de la part de l’Asie, notamment de la Corée du Sud et de la Chine au détriment du continent américain et de l’Europe (dans une moindre mesure). Sur la période récente, la Chine s’est positionnée comme un investisseur important. Selon Rhodium group, la Hongrie reçoit une proportion importante d’IDE chinois à destination de l’Europe au sens large : USD 6,7 mds en stock (valeur des transactions réalisées) sur un total de USD 414,7 mds en Europe.

Ces deux observations sont en adéquation avec la stratégie du gouvernement hongrois en matière de mobilité électrique. La Hongrie ambitionne, en effet, de devenir une grande puissance dans le domaine des batteries pour les véhicules électriques. À l’échelle européenne, il est prévu que la Hongrie en devienne le deuxième fournisseur à horizon 2030 derrière la Pologne. De même, le pays mise sur la production locale de véhicules électriques avec le site de production du chinois BYD, qui devrait être opérationnel d’ici deux ans. Cette stratégie va de pair avec des mesures incitatives, notamment des avantages fiscaux, visant à renforcer l’attractivité de la Hongrie. Le pays propose ainsi un taux d’imposition sur les sociétés parmi les plus bas en Europe à 9%, contre 19% en Pologne et en République tchèque, ou encore 29,9% en Allemagne.

Les perspectives en matière d’IDE restent bien orientées à court terme au vu des projets de création de nouveaux sites (investissements Greenfield) annoncés ces trois dernières années (2021 : USD 6,3 mds, 2022 : USD 12,5 mds, 2023 : USD 9,2 mds). Les IDE chinois vont probablement augmenter en 2025 et 2026 dans un contexte où les mesures protectionnistes touchant les véhicules électriques chinois, qui existent déjà en Europe, vont s’accentuer aux États-Unis avec la récente victoire de Donald Trump aux élections présidentielles. La Hongrie constitue une base de production et d’exportation attractive vers l’UE, car elle lui permet de contourner les mesures tarifaires. À terme, le marché domestique pourrait également être concerné, même si pour l’instant les nouvelles immatriculations de voitures en Hongrie montrent toujours une nette préférence pour les marques européennes (54%) et japonaises (33% en 2023). Néanmoins, deux facteurs pourraient atténuer les perspectives en matière d’IDE, notamment une conjoncture moins bonne dans le secteur automobile et un éventuel allongement du délai relatif à la transition vers les véhicules électriques aux États-Unis ou en Europe.

À moyen terme, les perspectives en matière d’IDE asiatiques, notamment chinois, devraient donner un nouveau souffle à l’investissement et soutenir la croissance potentielle à moyen terme. Elle est estimée à 3% par le FMI, soit une augmentation de 1 point par rapport à son estimation précédente de 2019. Toutefois, à court terme, la prudence reste de mise. Ce nouveau souffle peinera à se concrétiser pleinement si une partie des fonds européens reste bloquée (environ EUR 20 mds). Ainsi, en 2022, l’investissement en volume est resté en berne malgré l’année record enregistrée pour les IDE.

Achevé de rédiger le 6 novembre 2024

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